Plusieurs milliers de personnes - largement plus de 5000 selon
diverses estimations - se sont rassemblées le long du «Pod» (Avenue
Léopold-Robert) et au pied de la Tour Espacité à l'annonce de
l'inscription. L'émotion était perceptible parmi les habitants de
la ville construite par des horlogers pour l'horlogerie.
Un cortège s'est formé sur le Pod autour de thèmes rappelant les
métiers de l'horlogerie, ainsi que l'origine paysanne de cette
activité. Les pompiers ont aussi défilé pour évoquer l'incendie qui
a totalement ravagé La Chaux-de-Fonds en 1794 et marqué la mémoire
collective des habitants.
Un long travail
La nomination au Patrimoine mondial marque le couronnement d'un
travail de longue haleine mené par le comité de candidature, les
villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle, ainsi que le Canton de
Neuchâtel, en collaboration avec la Confédération, écrit l'Office
fédéral de la culture (OFC) dans un communiqué .
Les deux villes des Montagnes neuchâteloises s'ajoutent aux plus
de 880 sites, dans plus de 145 pays, qui figurent à ce jour sur la
liste de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la
science et la culture (UNESCO). La Suisse comptait jusqu'à présent
neuf sites classés, dont notamment le Lavaux (classé en 2007), la
ville de Berne ou les Chemins de fer rhétiques de l'Albula et de la
Bernina.
Berceau de l'horlogerie
La Chaux-de-Fonds et Le Locle
sont le témoignage de deux siècles et demi d'histoire de
l'industrie horlogère. Leur inscription au patrimoine mondial de
l'humanité marque la reconnaissance de cet héritage urbanistique et
architectural unique. Sans l'essor de l'horlogerie, jamais des
villes d'une telle importance ne se seraient développées dans les
Montagnes neuchâteloises, explique Jean-Daniel Jeanneret, chef de
projet de la candidature Unesco.
La région est bel et bien le berceau de l'industrie horlogère,
c'est-à-dire la standardisation de la production selon des normes
définies. Cette industrie s'est implantée au coeur des deux cités
et reste étroitement liée aux habitations. Au 18e siècle, des
ateliers se créent à l'intérieur même des logements.
Exceptionnelle, cette mixité a perduré. Aujourd'hui encore, des
gens travaillent à domicile pour la branche horlogère, souligne
Jean-Daniel Jeanneret.
Villes d'usines et de fabriques
Dès 1880, les premières usines, ou «fabriques», font leur
apparition. D'abord accolées à des immeubles d'habitation, elles
finissent par s'en détacher. Mais elles continuent d'être
construites dans le tissu urbain, à proximité des maisons ouvrières
et de celles des patrons. Cette option urbanistique se poursuit
jusque dans les années 1930.
Victimes d'un incendie - La Chaux-de-Fonds en 1794 et Le Locle en
1844 - les deux cités horlogères se sont reconstruites selon un
«consensus social», entre intérêts privés et publics, visées
hygiénistes de «salubrité» et objectifs de production. Ce consensus
a perduré sur plus d'un siècle.
Si l'ensemble constitue un patrimoine exceptionnel, cette richesse
ne saute pas aux yeux du visiteur non averti. «Le touriste verra
quelque chose qui va lui sembler austère, voire monotone. Il faut
pousser les portes et faire preuve de curiosité. Ce sont des villes
qui se méritent», conclut l'urbaniste.
ats/ps
Le Corbusier recalé
Si La Chaux-de-Fonds et Le Locle sont désormais inscrits au Patrimoine de l'Unesco, tel n'est pas le cas de l'oeuvre du Corbusier. Le Comité du patrimoine mondial a décidé de repousser sa décision à 2010.
L'oeuvre de Le Corbusier est une candidature sérielle transnationale qui comprend 21 objets construits par Le Corbusier en Suisse, en France, en Argentine, en Belgique et en Allemagne, écrit l'OFC dans un communiqué. Sa réalisation a été dirigée par la France. Les contributions helvétiques à cette série qui devrait représenter l'importance de Le Corbusier pour l'architecture moderne sont la Maison Blanche et la Villa Schwob à La Chaux-de-Fonds, la Petite Maison à Corseaux et l'Immeuble Clarté à Genève.
L'ICOMOS (International Council on Monuments and Sites), l'organisation consultative de l'Unesco, avait recommandé de rejeter ce dossier sous sa forme actuelle car selon lui, l'oeuvre d'un architecte ne peut en principe pas être inscrite «en tant qu'objet de valeur universelle exceptionnelle».
Samedi, à Séville, le Comité du patrimoine mondial n'a pas tranché. Selon lui, il ne manque au dossier que quelques éléments techniques qui une fois ajoutés permettront de représenter la candidature l'année prochaine, indique l'OFC.
Vingt-sept sites en lice
Le Comité du patrimoine mondial, réuni depuis lundi et jusqu'à mardi à Séville, a inscrit vendredi plusieurs nouveaux sites sur sa liste du patrimoine mondial, dont le massif italien des Dolomites, le mont Wutai en Chine, connu pour ses lieux de culte bouddhistes, et la mer des Wadden (Pays-Bas).
Il a également inscrit samedi soir la Tour d'Hercule, un phare de l'époque romaine situé à La Corogne, en Galice (nord-ouest de l'Espagne), et le palais de Stoclet, en Belgique.
Au total, 27 sites naturels ou culturels sont en lice pour l'inscription au patrimoine mondial, qui compte déjà 878 sites inscrits, dont 679 sites culturels, 174 sites naturels et 25 sites mixtes, dans 145 pays.