"C'est un nouveau pilier de la littérature romande et française
qui disparaît cette année après Maurice Chappaz", a constaté samedi
le conseiller fédéral Pascal Couchepin. Le ministre de la Culture a
souligné que Jacques Chessex était "un remarquable explorateur des
parties obscures de l'être humain confronté à l'histoire ou à des
passions extraordinaires".
Il a également rappelé qu'il est le seul Suisse à avoir reçu le
Prix Goncourt et qu'il possédait "un public fidèle qui s'attendait
à le voir poursuivre son oeuvre littéraire". Pascal Couchepin a lu
la plupart, si ce n'est toutes les oeuvres de l'écrivain
vaudois.
"Un immense écrivain au franc-parler"
"Jacques Chessex a marqué par son
franc-parler et ses écrits", a déclaré samedi le président du
Conseil d'Etat Pascal Broulis. "Il savait travailler les mots pour
les faire chanter et les utiliser avec excès parfois pour susciter
le débat", explique-t-il encore. "Il y a de la provocation mais
aussi de la prospection" dans l'oeuvre de Jacques Chessex. "Ses
écrits sur l'affaire de Payerne ont obligé les gens à
réfléchir".
S'associant "aux nombreux hommages adressés à ce très grand
écrivain vaudois, dont l'oeuvre, lue et reconnue loin à la ronde,
aura marqué la littérature suisse et francophone", le Conseil
d'Etat vaudois exprime sa "profonde tristesse" après le décès
soudain de l'écrivain vaudois.
"C'était un immense écrivain", a de son côté réagi vendredi soir
déjà le directeur de l'Office fédéral de la culture, Jean-Frédéric
Jauslin. "C'est un auteur et un personnage qui a compté pour moi.
J'ai un immense respect pour lui".
Jean-Frédéric Jauslin rappelle la qualité de l'écriture de Jacques
Chessex "pointue, brève et passionnante. Il fait partie des grandes
rencontres que j'ai faites lorsque j'étais directeur de la
Bibliothèque nationale".
Décédé vendredi à Yverdon
Agé de 75 ans, Jacques Chessex est décédé subitement vendredi soir à Yverdon-les-Bains (VD) alors
qu'il participait à une rencontre avec le public à la bibliothèque
de la ville. Le débat portait sur l'adaptation à la scène de son
roman paru en 1967 "La confession du pasteur Burg".
"Il s'est effondré dix minutes après le début de la discussion, a
précisé à la Radio suisse romande Daniel de Siebenthal, syndic de
la ville. Avec son roman "L'ogre", Jacques Chessex est devenu en
1973 le premier titulaire du prix Goncourt ne possédant pas la
nationalité française.
L'écrivain, né à Payerne (VD) le 1er mars 1934, a notamment publié
le "Portrait des Vaudois" en 1969, "Carabas" en 1971, "L'ardent
royaume" en 1975, "Jonas" en 1987, "La mort d'un juste" et
"L'imparfait" en 1996 ou encore "Le vampire de Ropraz" en 2008 et
"Un juif pour l'exemple" cette année. Jacques Chessex était
notamment membre du jury du Prix Médicis, Commandeur de l'ordre des
Arts et des Lettres, et Chevalier de la Légion d'Honneur en
France.
Des projets de films Francis Reusser va porter
à l'écran "La Trinité", roman de Jacques Chessex paru en 1992. Le
cinéaste vaudois mûrit ce projet depuis cinq ans. "J'ai appris il y
a deux jours seulement que ce film va enfin se concrétiser. Nous
allons tourner l'an prochain". L'action va se dérouler à Montreux,
a indiqué le réalisateur contacté samedi par l'ATS.
"Si tout va bien, ce long métrage arrivera dans les cinémas en
2011". Le roman raconte une histoire troublante et tourmentée. Un
vieillard atteint d'un cancer incurable offre sa jeune femme à un
écrivain à court d'inspiration. Celui-ci découvre qu'elle n'éprouve
de plaisir qu'à l'insulter mais aussi qu'elle passe d'homme en
homme.
"Je viens de rentrer de Paris et j'allais envoyer un petit mot à
Jacques pour lui dire que ce projet allait se faire". Le cinéaste
travaille sur cette production avec l'auteur et scénariste français
Jean-Claude Carrière. L'écrivain "attendait une existence forte de
son oeuvre au cinéma", raconte Francis Reusser. "Il se réjouissait
donc du projet sur "La Trinité". Malheureusement, il ne verra pas
le film...".
L'oeuvre de Jacques Chessex n'a que peu été mise en
images En 1986, Simon Edelstein adapte "L'Ogre", roman
couronné du prix Goncourt en 1973. Ce long métrage divise la
critique à l'époque, soulignant parfois le caractère plus théâtral
que cinématographique de cette adaptation.
En 1992, Jean-Jacques Lagrange a tourné pour la télévision "La
confession du pasteur Burg". Interrogé récemment par l'ATS, Jacques
Chessex révélait un autre projet de film. Il est question d'adapter
"Un Juif pour l'exemple", avait-il déclaré.
ats/ap/mej
La date des funérailles pas encore connue
Le corps de Jacques Chessex repose en la chapelle St-Roch à Lausanne depuis samedi matin. La date des obsèques sera décidée dimanche, a indiqué à l'ATS la famille de l'écrivain.
Le public pourra venir se recueillir devant le cercueil dès lundi, a indiqué Edmont Pittet, des pompes funèbres. L'accès au lieu sera possible en tout temps.
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La Télévision suisse romande rend hommage à Jacques Chessex et rediffusera dimanche à 13h05 un entretien mené par Darius Rochebin réalisé en février 2008 dans le cadre de son émission Pardonnez-moi (aussi visible dans les liens internet ci-dessous).
Par ailleurs, la TSR va puiser dans ses archives et programmer une adaptation d'un des romans de l'écrivain vaudois, a indiqué à l'ATS son service de presse. La date de diffusion sera décidée lundi.
De son côté, la Radio Suisse Romande a programmé une émission spéciale samedi dès 13h00, animée par Patrick Ferla (voir dans les liens internet ci-dessous).
Une expo de ses peintures s'ouvre à Soleure
Jacques Chessex était aussi peintre. Une galerie de Soleure expose d'ailleurs depuis samedi 60 de ses tableaux.
Le lauréat du Goncourt était attendu en personne pour le vernissage, durant lequel il devait lire un de ses textes encore inédit.
"C'est une journée difficile à affronter", a déclaré à l'ATS Monique Liechti, propriétaire depuis dix ans de la galerie Artesol située au coeur de la vieille-ville. "Le vernissage se déroulera en silence en fin d'après-midi".
Le poète et romancier vaudois avait dévoilé publiquement ses talents de peintre en 1999 en Espagne, et au début de l'an 2000 dans une galerie lausannoise.
"Je dessine depuis toujours. Faisant naître à la surface du papier ou du carton des scènes physiques et métaphysiques que je porte en moi comme un chant profond", expliquait-il.
Ouverte jusqu'au 31 octobre, l'exposition soleuroise s'axe autour des thèmes du Minotaure et de la mort.