"Pina Bausch est décédée mardi matin à l'hôpital, d'une mort
inattendue et rapide, cinq jours après qu'on lui a diagnostiqué un
cancer", a indiqué la porte-parole du Tanztheater, Ursula
Popp.
"Elle était encore dimanche dernier sur scène avec sa compagnie, à
l'opéra de Wuppertal", a-t-elle souligné. Selon Ursula Popp, elle
avait été admise à l'hôpital pour des examens qui devait expliquer
un état de fatigue intense, et "elle n'en est pas ressortie".
Un style unique
Pina Bausch était l'une des plus illustres chorégraphes
contemporaines, mondialement connue pour son style expressionniste
unique, qui fut controversé à ses débuts avant d'être salué.
Passée par le Metropolitan Opera de New York, la chorégraphe à
l'allure toujours sombre avait introduit le concept de
"danse-théâtre" en Allemagne et dans le monde entier. Elle a ainsi
imposé dans le champ du théâtre un style de danse très personnel,
sur le mode de l'exagération et de la contradiction, en mélangeant
l'immense au dérisoire, tant dans les gestes des danseurs que dans
les décors.
Pina Bausch a changé le rôle du danseur et donné aux objets un
autre usage, introduisant sur scène des skis, des vélos, des murs
ou des falaises reconstituées.
Certains saluaient en elle une chorégraphe unique et inégalée dans
la mise en scène de ses thèmes de prédilection, comme la peur ou la
guerre des sexes, et soulignaient la vitalité artistique de ses
oeuvres. Mais elle en agaçait aussi plus d'un avec ses
problématiques extrémistes et ses archétypes (l'hystérique,
l'esclave...).
L'émotion avant tout
"Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tant (de savoir) comment les
gens se meuvent, que ce qui les émeut", avait-elle déclaré un jour
dans une interview.
Des danseurs venus du monde entier fréquentent son Tanztheater à
Wuppertal, en Rhénanie, devenu au fil du temps l'un des temples de
la danse moderne mondiale.
afp/ant
Une carrière immense
Pina Bausch était attendue à la mi-juillet à Moscou où elle devait présenter son spectacle "Les sept péchés capitaux" au Festival international Tchekhov. L'avenir de cette tournée n'était pas décidé dans l'immédiat.
En revanche, le Tanztheater devait se produire à Wroclaw (Pologne) ce mardi soir, selon sa porte-parole. Pina Bausch avait présenté à la mi-juin à Wuppertal sa dernière création, "Tanzabend" (soirée dansante), tout en mélancolie avec une scène noire et vide et des rythmes lents.
Elle se produisait avec sa compagnie dans le monde entier, et notamment chaque année, à guichets fermés, au Théâtre de la Ville à Paris.
Pour les 25 ans de son Tanztheater en 1998, elle s'était offert un festival de trois semaines à Wuppertal, berceau de ses créations expressionnistes et fleuron du ballet allemand.
Elle y avait présenté un éventail de ses ballets, des plus anciens aux plus récents, d'"Iphigénie en Tauride" (1974) au "Laveur de vitres" (1997), créé à Hong Kong à l'occasion de la rétrocession de la colonie britannique à la Chine. L'Asie l'avait inspirée.
En 2006, elle était encore en Inde avec une partie de sa compagnie et avait présenté par la suite "Bamboo Blues", une création aux couleurs de l'Inde.
En Europe, ses voyages l'avaient aussi conduite à Palerme, Lisbonne, Budapest, Istanbul... et de Paris à Rome ou Londres, elle se produisait en général à guichet fermé.
Une "tragédie"
La mort de Pina Bausch est une "tragédie", a affirmé le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand.
La chorégraphe était "un des grands génies de la chorégraphie et de la danse", a déclaré le ministre, qui s'exprimait devant la presse en marge du lancement de la Saison de la Turquie en France.
"Depuis la mort de Maurice Béjart, qui était très différent mais qui, aussi, à sa manière, a révolutionné la chorégraphie, je n'ai pas eu de choc aussi triste" concernant la danse, a-t-il ajouté.