"Nous avons encore de belles heures de cinéma devant nous avant
de nous quitter", a promis Frédéric Maire, en présentant mercredi à
Berne les grandes lignes de la 62e édition du Festival de Locarno,
la dernière sous son ère.
Directeur artistique du festival depuis 2002, le Neuchâtelois
remettra en effet les rênes de la manifestation au Français Olivier
Père dès la fin de l'été. Mais pour le moment, Frédéric Maire est
encore maître à Locarno et a concocté un programme qui a tout pour
rester gravé dans les mémoires.
«Un évènement dans l'évènement»
Cette année, Frédéric Maire
a fait le pari de placer le festival tessinois sous le signe du
manga, une gageure qu'aucun autre festival généraliste n'avait
encore tentée.
Les "Pokémons" et les "Chevaliers du Zodiaque" sur la Piazza
Grande? Le directeur artistique n'a pas hésité à faire le grand
écart: "La réaction vis-à-vis de la culture manga a d'abord été
négative, puis elle s'est imposée dans les bandes dessinées, à la
télévision, au cinéma. L'univers manga est partout et nous
influence." Des films comme "Matrix", "The Transformers" ou "Kill
Bill" (projeté à Locarno dans le cadre de la rétrospective) sont là
pour le montrer.
Le manga est le "phénomène culturel, esthétique et social le plus
important de ces 50 dernières années", conclut Frédéric Maire. De
quoi justifier une vaste rétrospective. Baptisée "Manga Impact",
elle a été conçue comme un "événement dans l'événement", un projet
qui vise à rendre un hommage appuyé à cet univers, dans toute sa
complexité et sa diversité.
Il y aura des projections, de courts et de longs métrages, une
exposition, la publication d'un livre, des workshops et des
rencontres. Certains films d'animation japonais seront aussi
projetés en compétition internationale, comme "Summer Wars" de
Mamoru Hosoda, ou sur la Piazza Grande, comme "Redline" de Takeshi
Koike.
Autre surprise à découvrir sur
la Piazza Grande, "Les derniers jours du monde" d'Arnaud et
Jean-Marie Larrieu, projeté en première mondiale. Dans une
relecture du cinéma catastrophe américain, les réalisateurs
français se lancent, avec l'excentrisme qu'on leur connaît, dans
une odyssée amoureuse sur fond de fin du monde.
D'une manière générale, la Piazza 2009 fera la part belle au
cinéma européen. Citons "Unter Bauern" de l'Allemand Ludi Boeken,
"Petit Indi", du cinéaste catalan Marc Recha et ces trois projets
suisses: "Happy New Year", de Christoph Schaub, "La Valle delle
ombre" de Mihaly Györik, "Sounds and Silence", de Norbert Wiedmer
et Peter Guyer (pour le cinéma suisse, lire aussi
ci-contre.
La compétition internationale mettra en lice 18 films, issus de 15
pays. Comme l'année passée, on relève l'absence de production
américaine. Les effets de la grève des scénaristes de 2008 ne
semblent pas encore dissipés. La Suisse sera en lice pour le
Léopard d'or avec "Complices", du Valaisan Frédéric Mermoud.
Comme chaque année, des prix seront distribués : le Léopard
d'honneur ira au cinéaste américain William Friedkin ("The French
Connection", "L'Exorciste"), le prix du Meilleur Producteur
indépendant à la Française Martine Marignac (co-fondatrice de la
société Pierre Grise Productions) et le prix d'excellence à
l'acteur italien Toni Servillo ("Gomorra").
Pascal Couchepin salué
De son côté Marco Solari, président du festival tessinois, a
adressé ses remerciements à Frédéric Maire, pour de "merveilleuses
années" qui ont enrichi le festival. Il a également salué le patron
de la Culture Pascal Couchepin : "un grand merci pour sa
sensibilité à l'art, au festival ainsi qu'à la culture et à la
minorité qui n'est pas encore représentée au Conseil
fédéral...."
Marco Solari a enfin souligné la vigueur du festival (le budget
est passé de 4,2 millions en 2000 à 11,3 millions en 2009), mais a
lancé un appel aux politiques : "J'ai des réserves pour 2009 et
2010. Après, c'est l'inconnue...."
Rachel Antille et Frédéric Boillat
Le cinéma suisse fêté en musique
En ouverture du festival, la projection spéciale de "Vitus" de Fredi M.Murer promet d'être magique.
Le film sera présenté dans une version racourcie pour donner de la place au concerto de Schumann (dernière scène du film).
Il sera interprété dans son intégralité par le jeune pianiste et interprète Teo Gheorghiu, qui sera accompagné par l'Orchestre de la Suisse italienne.
Le 12 août, la désormais traditionnelle Journée du Cinéma Suisse s'intéressera aux musiques de film et aux rapports entre compositeurs et cinéastes. Cette journée marque le jubilé du "Centenaire de la Musique de Films".
Le cinéma suisse animera également la Piazza Grande. Pour le premier samedi du festival, on verra ainsi le court-métrage "Les Yeux de Simone" de Jean-Louis Porchet. Il sera suivi de la comédie "Giulias Verschwinden" de Christoph Schaub et du documentaire "Sounds and Silence" de Norbert Wiedmer et Peter Guyer.
Pas moins de trois films suisses concourent dans les compétitions de longs métrages: "Complices" de Frédéric Mermoud (Compétition internationale), "The Marsdreamers" de Richard Dindo et "Ivul" de Andrew Kötting (sélection Cinéastes du présent).
Capacité d'hébergement renforcée
Le festival, qui a enregistré quelque 180'000 entrées en 2008, augmente sa capacité d'accueil, d'hébergement notamment.
Un hôtel Ibis, situé au coeur de Locarno, a ouvert ses portes en juin.
Une solution "B&B", pour Bed & Budget, a par ailleurs été trouvée à Ascona. Des lits dans un abri de la protection civile sont proposés à 25 francs la nuit.