Modifié

Le festival de Woodstock célèbre ses quarante ans

Joe Cocker, l'une des révélations du festival de Woodstock.
Joe Cocker, l'une des révélations du festival de Woodstock.
Woodstock, c'était il y a quarante ans. Le célèbre concert a débuté le 15 août 1969, pour se terminer trois jours plus tard, marquant à jamais l'histoire du rock. Jimi Hendrix, Joe Cocker et Janis Joplin étaient là pour un week-end de musique, de boue et de marijuana. Des stars dont les destinées ont été marquées par le festival.

Décès, carrière phénoménale ou descente aux enfers, les artistes
de Woodstock ont connu des destins divers, mais nombre d'entre eux
continuent de jouer 40 ans après et restent marqués par les idéaux
du "summer of love".

Jimi Hendrix et l'hymne américain

Quatre minutes résument les trois jours de liberté, de musique
et de rejet de la guerre du Vietnam que furent Woodstock: la
déconstruction de l'hymne américain par Jimi Hendrix . C'est l'apogée du
guitar hero. Après une dernière prestation mitigée au festival de
l'île de Wight, il est retrouvé mort à 27 ans le 18 septembre
1970.



La voix brisée de Janis Joplin s'éteint un mois plus tard. Leur décès,
ainsi que ceux de Brian Jones et Jim Morrison à quelques mois
d'intervalle, symbolise la fin d'une époque marquée par
l'expérimentation de drogues en tous genres.

La révélation Joe Cocker

Mais la plupart des
artistes qui se sont produits à Woodstock sont toujours sur scène
40 ans après. Pour certains, le festival - et surtout le film et le
disque qui captureront l'événement - a été un tremplin.



C'est le cas d'un ancien plombier de Sheffield, qui y reprend la
chanson des Beatles "With a little help from my friends". Son
interprétation compulsive fait de Joe Cocker une star. Après une descente aux enfers,
il refera miraculeusement surface dans les années 80 grâce à une
série de succès grand public: "You can leave your hat on", "Unchain
my heart"...

Les débuts de Carlos Santana

Woodstock marque également le début de Carlos Santana et sa fusion inédite
de jazz, de rock et de rythmes latino-américains. Il triomphera en
1999, avec "Supernatural" qui se vend à quelque 25 millions
d'exemplaires. Le guitariste, qui a sorti son 38e album en octobre,
songe désormais à sa reconversion: il veut raccrocher dans sept
ans... pour devenir pasteur.



Après la mort de leur batteur Keith Moon, The Who se séparent en
1982, mais se réunissent épisodiquement pour des concerts et des
tournées. Les deux seuls survivants, Roger Daltrey et Pete
Townshend, ont enregistré un nouvel album studio "Endless Wire" en
2006.

Le rock psychédélique des Grateful Dead

Déjà pape de l'acid-rock en 1969, Grateful Dead continuera de battre des records
d'affluence aux Etats-Unis, jusqu'au décès de son leader, Jerry
Garcia, en 1995. Autre pionnier du rock psychédélique, Jefferson
Airplane se délite peu après Woodstock, mais les membres de groupe
n'ont depuis cessé de se retrouver au sein de la formation ou de
ses émanations : Jefferson Starship, Starship, KBC...



Toujours à l'affiche de festivals majeurs, Crosby , Stills & Nash ont poursuivi
leur carrière à ce jour, alternant albums en solo et retour en
groupe, avec ou sans leur partenaire épisodique Neil Young.

La figure tutélaire de Neil Young

De tous les artistes de Woodstock,
c'est lui qui aura le mieux su réactualiser son style, opérant
constamment des virages entre folk, country, et rock garage,
tentant même des explorations électroniques. Dans les années 90,
Neil Young est devenu la figure tutélaire d'une nouvelle génération
de musiciens (Sonic Youth, Nirvana...) inspirés par sa musique
brute et ses textes sombres. Il sera le parrain du grunge.



Parallèlement, beaucoup de musiciens sont restés très attachés aux
idéaux hippies. Richie Havens qui avait ouvert le festival avec
"Freedom" s'est impliqué dans l'éducation des enfants à l'écologie,
Joan Bae
z a chanté pour
Solidarnosc, le Cambodge et plus récemment l'Iran.



Quant à Country Joe McDonald, auteur de l'hymne des manifestations
anti Vietnam : "un, deux, trois, pourquoi nous battons nous? Ne me
demandez pas, je m'en fous, prochain arrêt le Vietnam", son
engagement auprès des vétérans l'a conduit à devenir un spécialiste
de l'infirmière de guerre Florence Nightingale.

Woodstock en chiffres

Au final, le festival, qui comptait sur quelque 50'000
spectateurs, en a accueilli 450'000. Devant l'afflux de fans, les
organisateurs ont dû décréter le festival gratuit en cours de
route.



Les organisateurs ont mis onze ans pour rembourser leurs dettes.
Ils ont vendu les droits de la manifestation à Warner Brothers pour
100'000 dollars. Selon Le Temps de samedi, qui cite la revue Rolling
Stone, la société de musique a elle ensuite récolté 500 millions de
dollars avec le film et le disque...



agences/hof

Publié Modifié

Que reste-t-il de Woodstock?

Les hippies de Woodstock ont dansé nus, fait l'amour dans la boue, chanté au milieu de nuages de marijuana... et puis un jour, ils se sont coupés les cheveux et ont commencé à travailler.

Pour ceux qui étaient à Woodstock entre les 15 et 18 août 1969, le concert de rock - qui eut lieu, en réalité, dans la commune de Bethel, au nord de New York - était la promesse d'une ère nouvelle et radieuse.

Mais le réveil fut difficile et quarante ans plus tard, difficile de savoir si Woodstock a changé quelque chose.

Rich Hanley, professeur de journalisme à l'Université de Quinnipiac, estime que le concert, loin d'annoncer une aube nouvelle, fut en réalité le dernier souffle de la révolution culturelle des années 60.

"En 1971, tout était fini". "Les manifestations étaient beaucoup moins nombreuses, la génération Woodstock a dû chercher du boulot et le boulot a mis un terme à la fête", dit-il.

Et Hanley d'ajouter, ironique: "Aujourd'hui, les hippies sont tous devenus républicains, et au lieu de prendre du LSD, ils prennent du Viagra et perdent leurs cheveux".

De fait, la réalité a vite rattrapé les enfants de Woodstock. En décembre 1969, moins de quatre mois après le mythique festival, un concert similaire organisé à Altamont Speedway, en Californie, avait fini dans le chaos, entre bagarres sanglantes et drogue à gogo.

Et le reste du monde n'était pas mieux loti. Malgré les manifestations anti-guerre, les troupes américaines ne devaient pas quitter le Vietnam avant 1973, et un an plus tard, Richard Nixon quittait la présidence américaine après le scandale du Watergate.

"Je pense que les gens ont perdu leurs illusions", déclare Wade Lawrence, directeur du musée Woodstock de Bethel. "L'époque 'peace and love' semble un peu dépassée", dit-il.

Une grande partie de ce qui a fait la légende de Woodstock - la marijuana et ses éléphants roses, le naturisme et les appels à la paix - semblent vieillots dans la société actuelle, beaucoup moins innocente.

Mais d'anciens hippies, comme le photographe Michael Murphree, âgé aujourd'hui de 56 ans, ne renient rien de leur jeunesse. "La paix, l'amour, le bonheur: on s'est battus pour ça", dit-il souriant, en parcourant avec nostalgie les allées du musée.

Pourtant, hormis la musique et les pantalons pattes d'éléphants, l'héritage de Woodstock est mince. Ironie du sort, son effet le plus direct aura probablement été la mainmise de l'industrie musicale sur les concerts de rock, transformés depuis en machines à dollars.

"Woodstock a changé l'industrie de la musique", affirme Stan Goldstein, l'un des organisateurs historiques du concert. "Pour la première fois, on a réalisé que les artistes pouvaient attirer non seulement des foules, mais des foules avec de l'argent", ajoute-t-il.

En quarante ans, ce qui semblait faire la force de l'esprit de Woodstock - un mélange de pacifisme et d'activisme politique, ce que Goldstein appelle "la conscience hippie" - a presque complètement disparu.

Sarah Duncan, 20 ans, qui visite le musée vêtue d'une chemise psychédélique hippie en diable, assure que sa génération serait incapable d'un nouveau Woodstock. "A cette époque, il suffisait d'être libre et ouvert d'esprit", dit-elle.

"Je ne vois pas mes amis faire ça. Ce ne serait pas juste 'peace and love', ils se saouleraient et deviendraient dingues". Aujourd'hui, "les gens disent ce qu'ils pensent, mais pas en manifestant ou en faisant de l'art. Ils enverraient un e-mail", raille-t-elle.