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Un podcast de la BBC raconte la conquête de la Lune

Aldrin sort du module lunaire [Nasa]
Un podcast de la BBC raconte la conquête de la Lune / Tout un monde / 10 min. / le 16 juillet 2019
"13 Minutes to The Moon" retrace dans sa globalité l'épopée qui a permis à Neil Armstrong de poser le pied sur la Lune il y a 50 ans. L'occasion de se plonger dans l'un des projets humains les plus ambitieux jamais réalisés.

Il y a un demi-siècle, le 21 juillet 1969, la mission spatiale américain Apollo 11, composée de Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins, réussissait le premier alunissage. Une leçon à la fois de politique, de géopolitique, d'astrophysique, d'humanité, de courage et de leadership.

Des aspects mis en avant dans le podcast de la BBC World Service "13 Minutes to the Moon" à travers de nombreuses archives mais surtout grâce aux interviews des astronautes et des ingénieurs de l'époque réalisés dans le cadre de cette série.

Kevin Fong, médecin spécialiste de santé spatiale et producteur de ce podcast, répond aux questions de RTSInfo.

RTSInfo: Pour votre podcast "13 Minutes to the Moon", vous avez interviewé des astronautes et des ingénieurs qui ont participé à la mission Apollo 11. Un demi-siècle plus tard, est-ce que le souvenir de cette aventure est resté précis et vivant chez ceux qui l'ont vécue?

Kevin Fong:  Absolument. Et ces gens savent que ce qu’ils ont fait dans les années 60 était pour beaucoup le plus grand accomplissement de leur vie. Sur le moment, ils travaillaient si dur qu’ils avaient du mal à réaliser la signification de ce qu’ils étaient en train de faire. Mais après coup, ils ont compris que c’était quelque chose dont on se souviendrait pour le restant de l’histoire de l’humanité.

C'était extraordinaire d’en parler avec eux et de les voir revivre ces moments devant moi. C’était aussi un grand privilège, parce que ces gens ont plus de 80 ans, pour la plupart, et vous vous dites que c’est peut-être la dernière chance de les voir et de les entendre.

Neil Armstrong, Buzz Aldrin, et Michael Collins, l'équipage de la mission Apollo 11 vers la Lune en 1969.The Art Archive / The Picture Desk AFP [AFP - The Art Archive / The Picture Desk]
Neil Armstrong, Buzz Aldrin, et Michael Collins, l'équipage de la mission Apollo 11 vers la Lune en 1969. [AFP - The Art Archive / The Picture Desk]

Dans votre série, l'un d'eux explique que, sur le moment, ils étaient persuadés qu'ils n'allaient pas réussir...

... C’est pour ça que nous nous sommes concentrés sur ces 13 dernières minutes, entre le moment où ils allument les moteurs en orbite lunaire et celui où ils se posent sur la surface de la Lune. Cette période comprenait tant d'inconnues! Tout le reste avait été entraîné par les missions précédentes, mais ces 13 minutes-là sont une première. Même Armstrong était préoccupé, lui qui pourtant ne s’inquiétait jamais.

Quand vous entendez l’un de nos interlocuteurs dire qu'il lui est arrivé de penser que c’était terminé, qu’ils ne se poseraient jamais sur la Lune, il est sincère.

Lors de ces 13 minutes finales, beaucoup de choses se disent dans le centre de contrôle: "nous n’avons pas assez de carburant", "les communications ne sont pas assez bonnes", "l’ordinateur ne fonctionne pas correctement". Mais ils insistent, ils poussent encore et encore pour y arriver! A chaque instant, tout ce système est à la limite de se renverser; il est sur le point de s’effondrer. Et malgré tout ça, ils parviennent à se poser sur la surface de la Lune!

Des membres du centre de contrôle lors du décollage de la mission Apollo 11 le 16 juillet 1969. [NASA/AFP]
Des membres du centre de contrôle lors du décollage de la mission Apollo 11 le 16 juillet 1969. [NASA/AFP]

L'âge moyen dans le centre de contrôle était de 27 ans. Est-ce  qu'une certaine inconscience de jeunesse les a aidés à surmonter ces problèmes?

Quand on a interviewé Gerry Griffin, qui était l’un des directeurs de vol, il nous a dit que c’était important d’avoir ces jeunes gens. Ils étaient à la hauteur de leurs responsabilités et ils étaient bien conscients des risques, mais ils n’en avaient pas peur. A vingt ans, vous possédez cette intrépidité nécessaire pour se jeter dans l’inconnu.

Il y avait dans l’équipe des personnes plus âgées et plus expérimentées, issues du monde de l’aviation. Mais justement, parce qu'elles en savaient trop, qu'elles mesuraient le danger, mais aussi ce qui était possible ou pas, ça ne marchait pas très bien.

Il fallait des optimistes sans peur qui comprenaient les risques, mais qui ne les craignaient pas.

Kevin Fong, auteur du podcast "13 Minutes to the Moon"

Dans le récit que vous faites dans "13 Minutes to the Moon", aucun leader ne se détache vraiment. Est-ce un choix que vous avez fait ou un reflet de la réalité?

Il y a des exemples extraordinaires de leadership dans cette histoire. Vous ne pouvez pas considérer le directeur de vol Gene Kranz comme autre chose qu’un leader exceptionnel. Idem pour le concepteur du centre de contrôle, Chris Kraft. Neil Armstrong aussi était un leader.

Mais ce projet était tellement compliqué! Nous avons vraiment voulu explorer ça dans cette série de podcasts: les 13 minutes vers la Lune n’ont été possibles que grâce à la présence d’excellents leaders dont la qualité a été de déléguer leur autorité. Le système était trop grand et trop complexe pour qu’une seule personne puisse le voir en entier. Donc, ce que vous avez dans le programme Apollo, c’est un leadership de qualité, des disciples de qualité, et la volonté de déléguer une partie de l’autorité aux plus jeunes quand ils possèdent l’expertise nécessaire.

La série s'ouvre sur une déclaration de Michael Collins, le troisième astronaute qui est resté en orbite et qui dit "Après le succès du vol, on a fait une tournée mondiale et on était sûr que les gens allaient nous dire: "Bravo les Américains, vous avez réussi" et en fait, les gens nous disaient "Nous avons réussi" dans le sens "C'est l'humanité qui a réussi"". Ce n'est pas un hasard que vous ouvriez votre série là-dessus?

Vous avez raison, ce n’est pas une coïncidence! J’en profite pour dire que nous avons passé cinq semaines aux Etats-Unis pour enregistrer les interviews. A notre retour, notre excellent attaché de production, Andrew Luck-Baker, a passé de nombreux mois à éplucher les archives et à mettre en place l’histoire que nous voulions raconter.

Donc, ce n’est pas un hasard que nous commencions par cette déclaration de Michael Collins sur l’humanité. Parce qu’évidemment, cette histoire commence dans l’ombre de la guerre, avec les Américains qui tentent de surpasser l’Union soviétique. Mais 50 ans plus tard, nous voyons que c'était pour toute l’humanité. Cette aventure est devenue le symbole d’un accomplissement collectif, pas seulement des Etats-Unis, pas seulement non plus des 400’000 personnes dont nous racontons l’histoire dans le podcast. Cet accomplissement a inspiré les générations suivantes dans le monde entier, jusqu’à aujourd’hui.

L'astronaute Edwin Eugene Aldrin sur la Lune à côté du drapeau américain lors de la mission Apollo XI le 20 juillet 1969. [Collection Roger-Viollet / AFP]
L'astronaute Edwin Eugene Aldrin sur la Lune à côté du drapeau américain lors de la mission Apollo XI le 20 juillet 1969. [Collection Roger-Viollet / AFP]

Une question au médecin spécialiste de santé spatiale que vous êtes: cette expérience dans l'espace n'a pas empêché les trois astronautes de vivre relativement âgés. Peut-on tirer des leçons de l'impact de ces missions sur la santé humaine?

Oui. J’ai toujours dit que les explorations qui nous font voyager à travers les étoiles de l’univers nous conduisent aussi à nous regarder nous-mêmes, et à en apprendre davantage sur le corps humain. L’espace a un impact profond sur le corps. J’ai travaillé au Centre spatial Johnson à Houston sur ce sujet.

Même 50 ans après s’être posé sur la Lune, 60 ans après être allé dans l’espace pour la première fois, nous cherchons toujours à comprendre les effets de cet environnement sur le corps humain.

Certes, l'espérance de vie des trois astronautes est élevée, c'est rassurant. Mais n’oubliez pas qu’ils ont été sélectionnés parmi les gens les mieux portants de leur génération. Donc, on pouvait bien espérer qu’ils vivraient longtemps et en bonne santé, et c’est ce qui s’est passé.

Je pense que les effets significatifs de l’espace sur le corps ne limiteront pas nos ambitions à explorer l’univers, au moins pendant le prochain siècle.

Il y a aujourd'hui un débat sur l'intérêt de retourner sur la Lune. Qu'en pensez-vous ?

Pour moi, il n’y a pas de débat: la Lune mérite qu’on y retourne pour de nouvelles explorations. Entre 1969 et 1972, pendant le projet Apollo, nous n’avons envoyé que 6 équipages, soit 12 astronautes sur la Lune dont nous n’avons fait qu’effleurer la surface. Nous ne savons pas ce qu’il nous reste à apprendre là-bas.

Je pense qu’avec la prochaine vague d’exploration, nous installerons des stations plus permanentes, un peu comme nous l’avons fait dans l’Antarctique. Au début du 20e siècle, Robert Falcon-Scott et Roald Amundsen sont allés dans l’Antarctique, mais il a fallu attendre le milieu du siècle pour qu’on retourne y installer des bases: ça fait 50 ans.

Le grand débat, c’est de savoir si nous devons aller d’abord sur Mars ou sur la Lune. Les opinions sont très variées à ce sujet! Pour le moment, je privilégie la Lune parce que c’est plus facile et parce qu’il y a beaucoup à gagner. Mais je comprends aussi pourquoi il est important de considérer Mars également.

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: aq

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