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Vétrograd ou le Valais à l’heure du théâtre marxiste

L'affiche pour la pièce "Le Suicidé" de Nicolaï Erdman à Vétroz. [DR / Vetrograd.ch]
Vétrograd et son " Suicidé " / Vertigo / 10 min. / le 6 août 2019
Village rebaptisé à la russe, rues pavoisées de rouge, slogans, café Pouchkine, scène en plein air, dizaines de comédiens, fanfares. Vétroz(VS) accueille dans une fougue révolutionnaire "Le Suicidé", la plus délirante des comédies soviétiques.

Cet été, Vétroz vit au rythme d’une pièce de théâtre née au cœur de la Révolution soviétique et du stalinisme. Son titre : "Le Suicidé". Au matérialisme marxiste vient donc s’ajouter un sévère goût de péché.

Un président qui joue le jeu

On peut lire cet éditorial dans "La Pravda" (la Vérité), l’organe officiel de propagande de la municipalité. Il est signé du président Olivier Cottagnoud qui arbore pour l’occasion sa plus belle chapka de fourrure à étoile rouge : "Vétrograd est la première commune valaisanne à tenter l’expérience du communisme (…) Je décerne la médaille du mérite au TGV (la Troupe des Généraux Vainqueurs) qui participe à la diffusion de la Pravda en rééduquant la population (…) D’ailleurs l’excellence des prestations de ses comédiens, ainsi que des moujiks (paysans)-figurants et des musiciens de l’orchestre est une preuve de la qualité des écoles du parti."

Bienvenue à Vétrograd

La Zhazhda du café Pouchkine de Vétrograd, à l'occasion de la représentation du "Suicidé" à Vétroz. [DR - Thierry Sartoretti]
La Zhazhda du café Pouchkine de Vétrograd, à l'occasion de la représentation du "Suicidé" à Vétroz. [DR - Thierry Sartoretti]

Boje Moï ! (Oh mon Dieu!) Un diable rouge a élu domicile à Vétroz, désormais nommée Vétrograd! Quelque chose ne tourne plus rond dans la capitale de l’Amigne, tsar des vins blancs valaisans. Juste à côté de l’Abbaye, la statue dorée de Saint-Théodule a beau se dresser encore, les drapeaux rouges claquent au vent dans la commune pavoisée d’une esthétique audacieuse d’avant-garde prolétarienne constructiviste.

La commune connaît même un nouveau café, le "Pouchkine" où la Zhazhda, une solide bière valaisanne à la vodka, vient désormais concurrencer le blanc local avec force: dégustations, toasts et conférences sur la culture russe sont données par l’association russo-valaisanne "Russe-Alpes". On en perd son latin, supplanté par l’alphabet cyrillique!

Faites tamponner votre visa pour Vétrograd. Vous découvrirez ensuite cette satire féroce de l’Union Soviétique où la grande révolution a laissé place à une belle gueule de bois.

Une comédie adulée, puis censurée

Drôle de pièce que ce "Suicidé" du Russe Nicolaï Erdman. Un triomphe à sa création moscovite en 1925, suivi d’une interdiction qui aura perduré jusqu’en 1982! Quant à l’auteur, sa propension au ricanement lui a valu quelques années d’exil. Et la troupe du Théâtre de la Grappe de Vétroz (plus connue sous le sobriquet de TGV) de lui offrir le plus beau des hommages. Impossible en effet d’ignorer ce projet qui regroupe des dizaines de comédiens, comédiennes, choristes, fanfares et bénévoles.

Le Suicidé regorge de bons mots et de piques qui avaient à l’époque miraculeusement évité les ciseaux de la censure. A Vétroz, rebaptisée Vétrograd par les valeureux citoyens de la troupe culturelle du kolkhoze local, il n’a rien perdu de sa saveur.

Thierry Sartoretti

Les camarades Virginie Hugo et Pierre-Pascal Nanchen signent la mise en scène de ce spectacle empoigné avec enthousiasme par les amateurs du TGV. Le jeu n’était pas encore totalement maîtrisé le premier week-end, mais la fougue compense les imprécisions.

Mourir pour des idées

Quid de ce "Suicidé"? Tout commence par une envie nocturne de saucisson au pâté de foie. Simon, lassé de son quotidien monotone, laisse entendre à sa compagne qu'il aurait envie de se donner la mort. S’ensuivent une dispute conjugale, des menaces en l’air, un malentendu et ce "presque rien de se mettre à produire du grand n’importe quoi". La rumeur se propage. Le camarade Simon veut se suicider? A son aise! Mais surtout, qu’il se tue au nom d’une grande cause car "ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire!".

Thierry Sartoretti/ms

"Le Suicidé", Vétroz, jusqu’au 14 septembre.

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