Qui se cache derrière le personnage de Marilyn Monroe? Comment une fille quelconque devient-elle un sex symbol adulé? Comment Norma Jeane Baker a-t-elle accouché de Marilyn Monroe dans une Amérique patricarcale? Pour son film consacré à l’actrice, Netflix s’inspire de la biographie romancée de Joyce Carol Oates, auteure tranchante de "Blonde".
Un livre de biofiction
Paru en 1999, le livre contient un avertissement pour les lecteurs : si la plupart des personnages de l’histoire présentent quelques ressemblances avec les proches et les contemporains de Marilyn Monroe, leur description et les éléments rapportés sont entièrement le fruit de l’imagination de l’auteure. Il faut donc lire "Blonde" comme un roman, et non comme une biographie de Marilyn Monroe. C’est ce qu’on appelle la biofiction, un roman qui parle de la réalité pour mieux s’en détacher. Ce qui passionne Joyce Carol Oates dans Marilyn Monroe, c’est la métamorphose et l’invention du personnage.
Premiers rôles et débuts en chant
En août 1946, le producteur Darryl Zanuck offre à Marilyn son premier contrat de six mois à la Fox. Ben Lyon, le directeur de casting, lui propose de prendre comme prénom "Marilyn". Elle y accole le nom de jeune fille de sa mère, "Monroe". C'est ainsi que Norma Jeane Baker trouve son nom de scène.
>>A regarder: Marilyn Monroe, "Anyone Can See I Love You"
Deux ans plus tard, la star en devenir tourne sa première comédie musicale, "Les Reines du music-hall". Monroe y interprète le rôle de Peggy Martin et chante "Anyone Can See I Love You”. Pour se préparer au premier contrat de sa vie, elle prend des cours de chant avec le directeur musical, Fred Karger, avec qui elle aura une liaison. Elle n’est pas encore très à l’aise avec sa voix.
Marilyn Monroe, Ella Fitzgerald et la ségrégation
Pour sa deuxième comédie musicale, "Les hommes préfèrent les blondes" (1953), Monroe travaille avec un professeur de chant de la Fox, Hal Schaefer, qui lui conseille d’écouter en boucle le disque "Ella Fitzgerald sings George Gerschwin". Marilyn s’inspire de la chanteuse afro-américaine qui dira d'elle:
C'était une femme atypique, un peu en avance sur son temps. Et elle n'en n'avait pas conscience.
La légende raconte qu’en 1955, Ella Fitzgerald est la première chanteuse noire à se produire au Mocambo. A l’époque, ce club situé sur Sunset Boulevard aimante toutes les stars, de Frank Sinatra à Grace Kelly. Dans l’Amérique des années 50, la ségrégation raciale et le racisme sont toujours d’actualité. Même s’ils sont très populaires, les musiciens noirs jouent le plus souvent dans de petits clubs. Le patron du Mocambo n’est pas favorable à la venue de Fitzgerald.
>>A écouter: émission spéciale "Ella Fitzgerald - 100e anniversaire de la naissance de la 'First Lady of Song'"
Marilyn Monroe va le convaincre à sa manière: si le Mocambo engage Ella Fitzgerald, elle promet au patron d’être là tous les soirs et de s’assoir à la table la plus en vue, près de la scène. Promesse tenue. Ella Fitzgerald n’aura plus jamais à jouer dans de petits clubs... (En réalité, Fitzgerald n’était pas la première chanteuse afro-américaine à se produire au Mocambo, mais le patron était défavorable à sa venue… à cause de son "manque de glamour" !)
Sois belle et tais-toi
Retour en 1953. Les producteurs de "Diamonds are a Girl’s best Friend" n’aiment pas la voix de Monroe et font appel à Marni Nixon, une chanteuse connue pour ses doublages. Mais le compositeur de la BO du film, Lionel Newman, insiste pour que Marilyn enregistre les chansons de son côté. Au moment du visionnage, la version de Marilyn est montrée à Darryl Zanuck qui manque d’en avaler son cigare tant il est fan. L'actrice sait chanter; et c'est aussi une interprète de talent. Elle le prouvera dans le film d'Otto Preminger "Rivière sans retour". Devant un parterre d’hommes rustres, elle chante une chanson mélancolique qui bientôt vaudra de l’or.
>>A regarder: Marilyn Monroe, "One Silver Dollar"
Happy Birthday, Mr. President
Marilyn Monroe se souvient du 19 mai 1962 : "Lorsqu’on m’a demandé de paraître au Madison Square Garden pour la soirée d’anniversaire du président Kennedy, je me suis vraiment sentie fière. Quand je suis arrivée sur la scène pour lui chanter bon anniversaire, il y a eu un silence énorme dans le stade. A ce moment, je me suis dit "mon Dieu, que va-t-il se passer si je n’arrive pas à chanter?" Un silence pareil de la part d’un tel public, cela me réchauffe. C’est comme une sorte de baiser. A ce moment-là on se dit, "bon sang je chanterai cette chanson, même si c’est la dernière chose que je ferai au monde!""
En apprenant que Monroe chantera pour le président, Jackie Kennedy, future Jackie O, n’assistera pas au 45ème anniversaire de son mari.
>>A regarder: Marilyn Monroe souhaite un joyeux anniversaire au président Kennedy
Un reportage qui réchauffe la planète
Quelques jours plus tard, le 16 juin 62, l’hebdomadaire américain "Life" fait sa couverture avec la star et publie un reportage illustré qui va faire scandale. Le photoreporter Lawrence Schiller a shooté la star nue dans une piscine. Grâce à ces clichés, le photographe pourra se payer une maison et Marilyn verra remonter sa cote auprès des studios, tout en faisant de l’ombre à sa rivale, Liz Taylor.
Dans les pages du magazine, Marilyn Monroe raconte: "Je crois que je me suis rendu compte de ma célébrité le jour où, en revenant de l’aéroport, j’ai vu mon nom en lettres énormes sur le fronton d’un cinéma. J’ai arrêté ma voiture et je me suis dit, "Grand Dieu! Ce n’est pas possible, c’est une erreur!" "
Pourtant je me souviens qu’au studio, ils me répétaient tout le temps "attention, ne te prends pas pour une vedette, tu n’es pas une vedette!" N'empêche mon nom était là, en grandes lettres de néon! Je n’ai vraiment réalisé que j’étais une star que grâce aux journalistes. Ils étaient tous gentils avec moi, aimables. Les hommes, pas les femmes.
Marilyn Monroe est morte le 5 août 1962, un mois après la sortie du fameux numéro de "Life",
Sujet radio: Chrystelle André / Adaptation web: Myriam Semaani