Compositrice, musicienne, épouse et mère, Clara Schumann a souvent sacrifié sa carrière de musicienne pour s'occuper de ses nombreux enfants et de son époux. En effet, la santé mentale de Robert Schumann, dépressif et anxieux, a été une source de souffrance pour la compositrice.
Une enfance comme celle de Mozart
Clara Wieck naît le 13 septembre 1819 à Leipzig. Une enfance triste: sa mère a fui le foyer conjugal tandis que son père, Friedriech Wieck, est l'un des meilleurs pianistes de son temps. Autoritaire, il lui enseigne le piano et le solfège de manière intensive, si bien qu'elle donne des concerts et compose alors qu'elle n'a que 9 ans.
Telle une enfant star, Clara est une "Wunderkind", devenue ensuite une "Wundermädchen". Certaines parties de ses soirées musicales – composées à 16 ans – ont été reprises par de nombreux compositeurs dont Robert Schumann, qui a cité sa Mazurka dans son œuvre "Davidsbündlertänze", et Liszt, qui les a jouées à Vienne en 1838.
L'union avec Robert Schumann
C'est lors d'un concert que Clara rencontre Robert Schumann, qui souhaite devenir l'élève de Friedrich Wieck. Elle a alors huit ou neuf ans et il en a le double, mais cette dernière va finir par tomber amoureuse de lui. Lorsque Clara atteint ses 18 ans, Robert la demande en mariage. Le père Wieck s'y oppose: il ne veut pas entendre parler de cet artiste instable qu'il trouve dangereux. De plus, cette union vient perturber ses plans de carrière pour sa fille.
Le mariage est alors arraché lors d'un procès juridique. Clara épouse Robert Schumann en 1840, la veille de son 21e anniversaire. Le couple, qui aura 8 enfants, est plutôt complémentaire: Robert Schumann est un homme robuste, lent et calme, tandis que Clara est une jeune femme frêle, mais vive. Il préfère rester chez lui alors qu'elle aime partir en tournée à travers l'Europe.
Une vie un peu étriquée
La vie conjugale est heureuse mais un peu monotone pour Clara Schumann: son époux compose sans arrêt, mettant Clara et sa carrière à l'écart. Alors qu'il travaille sur sa première symphonie, la "Symphonie du printemps", elle écrit le 17 janvier 1840:
Quand un homme compose une symphonie, on ne peut pas attendre de lui qu’il se consacre à autre chose. Même sa femme doit accepter d’être mise de côté. […] Robert s’enferme et monopolise le seul piano de la maison.
Elle mène alors une vie plutôt casanière. Ne pouvant composer puisqu'elle n'a pas accès au piano, ni travailler car son époux l'en empêche, elle sacrifie sa carrière au profit de celle de son mari et s'occupe des enfants. Elle revient tout de même sur scène en 1841, l'année de la sortie de la symphonie de Robert.
Difficile de partir en tournée
Après la naissance de son enfant en 1842, Clara recommence à tourner en Europe. Comme son époux refuse de la suivre, elle s'absente 3 mois. Cela ne plaît pas à Robert, qui la culpabilise. Elle se justifie dans ses lettres:
Je suis une femme, je ne perds ni ne gagne rien à rester à la maison. Alors pourquoi ne devrais-je pas, pour une fois, apporter aussi avec mon talent ma contribution à Robert? Je lui ai présenté la chose aussi raisonnablement que possible. C’était un grand pas que j’ai fait, par amour pour lui. Et aucun sacrifice ne fut dès lors trop grand ni trop lourd.
Résignation volontaire ou obligation morale?
Le 17 février 1843, Clara offre à Robert deux Lieder composés pour son anniversaire. Il écrit dans leur journal: "Clara a écrit une suite de petits morceaux d'une délicatesse et d'une richesse d'invention auxquels elle n'était jamais parvenue, mais elle s'occupait des enfants et d'un mari perdu dans ses rêveries. Cela ne se concilie guère avec la composition."
Il manque à Clara une pratique continue, et je souffre pour elle à la pensée que bien des inspirations de son cœur se perdent simplement parce qu’elle n’a pas la possibilité de les exprimer. Clara reconnaît elle-même que son métier principal est celui de mère, si bien que je crois qu’elle est heureuse dans ces circonstances qui ne se laissent pas changer de toute façon.
Pourtant, Clara souffre de voir son époux déprimé. Elle écrit dans leur journal: "Une inexprimable tristesse pèse sur moi […] je sens parfois si clairement que je ne pourrai te suffire. Ce chagrin s'accompagne de sombres pensées sur l'avenir. Si tu savais comme mon cœur déborde toujours d'amour pour toi. Je ne puis supporter la pensée que tu travailles pour gagner de l'argent, car ce travail ne saurait te rendre heureux. Pourtant je ne vois point d'autre issue tant que tu t'opposeras à ce que je travaille de mon côté et m'interdiras de contribuer aux dépenses de notre ménage. Te demander de l'argent et recevoir de tes mains ce que tu as gagné est pour moi une atroce souffrance."
La jalousie de Robert Schumann
De février à mai 1844, Robert se laisse convaincre par Mendelssohn et accompagne Clara lors de sa tournée en Russie. Pauline Schumann, la belle-sœur de Robert, garde les enfants en leur absence. La séparation est difficile, mais les tournées de Clara rapportent beaucoup d'argent au foyer. Ce voyage ne sera pas de tout repos, mais la pianiste est à présent reconnue.
Même si le couple doit parfois dormir dans des auberges minables, le succès est au rendez-vous: Clara joue devant l'empereur Nicolas Ier et sa famille à Saint-Pétersbourg. Robert est dans l'ombre, considéré comme "le mari de la pianiste". Enrhumé, jaloux et déprimé, il supporte mal cette tournée qui empire son état psychique.
La progression de la maladie suit son cours
Une spirale négative qui continuera pendant 10 ans jusqu'en 1854, quand Robert Schumann tente de suicider. Il est alors interné et meurt deux ans plus tard. Clara a aussi perdu quatre enfants. Comme pour oublier son chagrin, elle part pour plusieurs tournées à travers l'Europe, qu'elle enchaînera jusqu'en 1873.
Charles Sigel/ms
>> A écouter : la série complète sur la vie de Clara Schumann dans "Le feuilleton estival" sur Espace 2