Dans un entretien accordé mercredi à l'ats, Jacques Chessex
s'attarde sur "Pardon mère", qui narre ses difficiles relations
avec sa maman.
Le Goncourt 1973 confesse sur 215 pages son remords d'avoir
méprisé sa mère. "Ce livre est un petit tas de feuilles que je lui
donne, comme un monument funéraire", narre-t-il.
Souvenirs difficiles
Le Vaudois explique qu'avant son décès en 2001, sa mère lui a
indiqué ne pas vouloir de tombe. Il comprend alors qu'elle refuse
un monument célébrant une vie qu'elle n'a pas eue.
Jacques Chessex recense souvenirs et réflexions sur une relation
viscérale et douloureuse de près de 70 ans. L'auteur veut "rendre
sa part de lumière" à une femme qu'il n'a "jamais appelée par son
prénom". Il cherche aussi à réparer les dégâts causés par la
conduite de son mari, puis son suicide.
Le romancier a aussi restitué sa vérité à ce père suicidé dans
"Monsieur" (2001) et "L'économie du ciel" (2003). Il n'y aura en
revanche pas d'autre ouvrage sur sa mère, assure-t-il.
Dure autocritique
"J'ai attendu quelques années pour écrire ce livre. Je
n'arrivais pas à faire le deuil et je ne l'ai pas encore totalement
fait. D'une certaine façon, ce livre m'a permis de rentrer dans le
sein de ma mère et j'en remercie le ciel. Ma dette envers elle
n'aurait pas été payée si je n'avais pu écrire ces pages", commente
le Vaudois.
L'écrivain ne se ménage pas, parlant de sa "très grande pingrerie
d'amour" et se décrivant comme un fils imbécile, idiot, déboussolé,
absent, comme un homme ombrageux, obscur et fou.
"Ce livre je l'ai fait avec elle. Il n'y a pas un mot qui ne m'ait
été dicté par ma mère. Je n'ai pas enjolivé", conclut Chessex. Sa
mère pourtant détestait les romans de son fils, "trop sexuels, trop
exhibitionnistes". En page 211, le lecteur apprend pourtant qu'elle
lui a pardonné.
ats/boi
Prix Goncourt en 1973
Jacques Chessex est né à Payerne (VD) en 1934.
Reconnu à l'étranger, il a reçu le prix Goncourt en 1973 pour "L'Ogre".
Le Vaudois demeure le seul Suisse lauréat de cette prestigieuse récompense.
Avant "Pardon mère" et "Revanche des purs", l'écrivain avait publié son dernier ouvrage, "Le vampire de Ropraz", en mars dernier.
Ce roman a été traduit en une demi-douzaine de langues dont le russe, l'allemand et l'anglais. Plusieurs cinéastes s'intéressent à le porter à l'écran.
Auparavant, le romancier, poète et essayiste a signé entre autres livres "La Confession du pasteur Burg" (1967), "Carabas" (1971), "Les yeux jaunes" (1979), "Jonas" (1987) et "Incarnata" (1999).
Lauréat de plusieurs distinctions, le Vaudois a été fait chevalier de la Légion d'honneur en France.
Jacques Chessex a également reçu le Prix Jean Giono en octobre dernier pour l'ensemble de son oeuvre.
Faisant partie des fers de lance de la littérature de Suisse romande, le romancier est également membre du jury du prix Médicis.
La Bibliothèque Nationale Suisse lui a consacré en 2003 une exposition dans le cadre des Archives littéraires suisse à Berne, sous le titre : "Il y a moins de mort lorsqu'il y a plus d'art."