Jacques Chessex s'est soudain écroulé vers 19h00. Il était
l'invité de la Bibliothèque publique d'Yverdon au lendemain de la
première représentation de la pièce tirée de son oeuvre et mise en
scène par Didier Nkebereza.
La représentation de vendredi soir a été annulée, précise dans un
bref communiqué signé de la famille de Jacques Chessex le syndic
d'Yverdon, appelé sur place.
L'écrivain vaudois, dont le premier livre est paru en 1954, laisse
à la postérité plusieurs dizaines d'ouvrages (voir
ci-contre les archives vidéo et son). Il était le seul
Suisse à avoir obtenu le prix Goncourt en 1973 pour "L'Ogre".
Traduit en plusieurs langues, le roman a été porté à l'écran par
Simon Edelstein en 1986. Mais si, à sa sortie, "L'Ogre" est salué
par ses pairs, il lui vaudra également les foudres des
bien-pensants, de son pays. Tel avait déjà été le cas de "La
confession du pasteur Burg" dix ans plus tôt. Cette oeuvre et son
adaptation scénique étaient justement le thème de la conférence de
vendredi.
L'ermite de Ropraz
Il faudra attendre "Jonas", en 1987, pour susciter
l'enthousiasme du plus grand nombre. Pour Jacques Chessex, "La mort
d'un Juste" (1996) et "Le rêve de Voltaire" (1995) étaient ses
oeuvres les plus abouties: "Ces récits sont très proches de ce que
j'ai envie de faire, proches de ma peau. Ils sont comme deux
vêtements qui me sont naturels."
Ecrivain de l'érotisme, de la mort et du secret, Jacques Chessex
s'était offert un beau succès de librairie pour ses 75 ans qu'il
avait fêté en février dernier. "Un Juif pour l'exemple" atteignait
alors les 32'000 exemplaires.
Guère attiré par les mondanités, refusant les modes et les
conventions, Jacques Chessex était parfois surnommé l'ermite de
Ropraz (VD), le petit village du Jorat où il avait élu domicile.
Néanmoins, il se rendait plusieurs fois par mois à Paris, notamment
depuis 1996, date de son accession au jury du prix Médicis. De 1969
à 1996, l'écrivain a enseigné le français au Gymnase de la Cité, à
Lausanne, marquant de son empreinte des générations d'étudiants. Il
donnait également des cours à l'Université populaire.
Plusieurs prix
L'oeuvre romanesque de Jacques Chessex, tissée d'éléments
autobiographiques, se caractérise par des personnages souvent
sensuels, rongés de culpabilité et fascinés par la mort.
Parmi la quarantaine de ses ouvrages disponibles figurent
également "Carabas", "Les yeux jaunes" et "Portrait des
Vaudois".
L'auteur avait reçu de nombreuses distinctions, dont le prix
Schiller, le prix Alpes-Jura, le Grand Prix du rayonnement français
de l'Académie française, le Ruban de la Francophonie et, en 1999,
le Grand Prix du langage français.
"Reconnaître la beauté"
Début 1999, Jacques Chessex avait publié "Incarnata". Dans ce
roman, un auteur jaloux de Ramuz change grâce à une femme. Pour
l'écrivain, ce texte a valeur de fable. "Il dit que nous ne savons
pas reconnaître la beauté quand elle nous est donnée, que ce soit
sous la forme de l'amour, du sacré ou d'une peinture", avait-il
expliqué.
ats/lan
Auteur d'une oeuvre grave
Jacques Chessex est né le 1er mars 1934 à Payerne (VD), d'une famille d'enseignants par son père, d'ascendance industrielle et commerçante par sa mère.
Il laisse une oeuvre grave, inspirée par la précarité de l'existence, mais qui exalte en même temps la fascination des pulpes terrestres, et de la chair en particulier.
Un immense écrivain
"C'était un immense écrivain", a de son côté réagi vendredi soir le directeur de l'Office fédéral de la culture, Jean-Frédéric Jauslin. "C'est un auteur et un personnage qui a compté pour moi. J'ai un immense respect pour lui."
Jean-Frédéric Jauslin rappelle la qualité de l'écriture de l'écrivain vaudois "pointue, brève et passionnante. Jacques Chessex fait partie des grandes rencontres que j'ai faites lorsque j'étais directeur de la Bibliothèque nationale".