"Le dernier crâne de M. de Sade" est jugé très cru, parfois même
pornographique par les premières -rares- personnes qui ont pu le
découvrir. Afin que l'ouvrage ne tombe pas dans les mains du jeune
public, les librairies suisses le vendront sous cellophane et avec
un avertissement "réservé aux adultes", comme ce fut le cas à la
fin 2009 avec la bande dessinée de Zep, "Happy Sex" (lire
ci-contre).
Scènes "sales"
Selon un juriste, au regard de la loi suisse, le livre devait
être vendu sous cellophane en raison des scènes "sales", d'après
les mots de Jacques Chessex lui-même, dont certaines impliquent un
mineur, relève mardi Le Temps sur son site internet.
Les éditions Grasset à Paris croient au succès de ce dernier
ouvrage, puisque le tirage initial s'élève à 25'000 exemplaires.
Sur ce total, 10'000 ouvrages ont été réservés à la vente en
Suisse. A noter encore que le livre sort en Suisse un jour après sa
sortie en France, comme c'est généralement le cas.
Le nouveau roman de l'écrivain et poète vaudois compte 35
chapitres aussi courts qu'incisifs. Il y raconte les deux ultimes
saisons de la vie du marquis de Sade, en 1814, puis l'exhumation de
son corps, dont le crâne est remis à un médecin. Le récit bascule
ensuite dans la fiction pour retracer les funestes péripéties
amenant la relique dans les mains du narrateur.
Frissons garantis
Des lecteurs vont frissonner à l'évocation des jeux sexuels et
cruels du marquis de Sade avec une adolescente ou aux descriptions
d'un rayonnement surnaturel "incontestablement diabolique"
entourant son corps. A 74 ans et au seuil de la mort, le marquis
reste un personnage scandaleux. Même obèse et malade, le vieillard
conserve une insatiable soif de jouir.
La seconde partie du roman s'intéresse au crâne qui semble avoir
conservé un rayonnement et un "magnétisme maléfique". L'écrivain
expose alors une demi-douzaine d'actes violents ou criminels
perpétrés, ou subis, par ses détenteurs successifs.
Le marquis de Sade a eu une vie tumultueuse, jalonnée de scandales
suscités par ses débauches et de sulfureux écrits tels "Justine" et
"La Philosophie dans le boudoir". L'homme a passé plus de
vingt-sept ans en détention, en plusieurs fois, dont quelques
années à la Bastille de Paris. Il est mort à 74 ans en 1814.
L'oeuvre littéraire du marquis de Sade fut clandestine au 19e
siècle. Elle est réhabilitée au 20e siècle, bien qu'objet de
censure jusqu'en 1960. Sade est entré en 1990 dans la Bibliothèque
de la Pléiade, une des collections de référence de l'édition
française.
mej avec l'ats
Ecrits: quand la Suisse met le voile
"Le dernier crâne de M. de Sade" n'est pas la première publication à connaître un traitement exceptionnel en Suisse. En moins de deux ans, on trouve au moins trois exemples d'ouvrages victimes du principe de précaution de distributeurs, tous du côté de la bande dessinée. En octobre 2009, "Happy Sex", la BD de Zep destinée aux adultes et traitant de sexualité avec humour, s'était déjà vue taxée de pornographique et parée d'un autocollant indiquant "réservé aux adultes".
En février 2009, un numéro de "L'Echo des savanes" connaissait un traitement encore plus radical: les distributeurs renonçaient à le diffuser ou en arrachaient une page avant distribution. Celle-ci proposait des scènes à caractère sexuel du dessinateur Willem dans lesquelles apparaissaient des excréments. Des scènes qui contrevenaient, selon ces mêmes distributeurs, à l'article 197 du Code pénal qui interdit les représentations sexuelles avec des enfants, des animaux, des excréments ou de la violence.
Quant aux "Filles perdues" du scénariste britannique de bande dessinée Alan Moore, elles n'entreront pas en Suisse. Publiée en 2008, l'oeuvre a subi le couperet de ce même article 197, puisqu'elle met notamment en scène les ébats amoureux de trois jeunes filles mineures. Les distributeurs n'ont pas voulu prendre le risque de le diffuser sur le territoire suisse.
Tybalt Félix
L'oeuvre de ses derniers mois de vie
"Il a consacré ses derniers mois à ce livre", a dit à l'ATS Sandrine Fontaine, la compagne du romancier décédé fin 2009 à l'âge de 75 ans. "Il a terminé les corrections et mis le point final le jour même de sa mort", assure-t-elle. "Ce jour-là, il a travaillé de 07h00 à 17h00".
Un peu plus tard ce 9 octobre, Jacques Chessex s'est effondré lors d'un débat en public à Yverdon-les-Bains (VD).
Depuis lors, deux ouvrages ont déjà paru. "Une nuit dans la forêt" (éd. Notari, Genève) rapproche des poèmes de l'écrivain et des oeuvres du sculpteur Manuel Müller. "Une vie nouvelle" (éd. de l'Aire, Vevey) réunit des lettres échangées avec l'éditeur Michel Moret.
Le précédent roman de Chessex, "Un Juif pour l'exemple", s'est vendu à 33'000 exemplaires dans les pays francophones depuis sa sortie en janvier 2009. Ce récit a suscité la controverse pour avoir raconté le meurtre sauvage d'Arthur Bloch en 1942 à Payerne (VD).