En 1821, Hector Berlioz a 17 ans. Fraîchement diplômé du baccalauréat, il quitte sa petite ville de l’Isère pour Paris, où son père veut qu’il étudie la médecine. Il abandonne cependant ses études et s’inscrit au Conservatoire. Parallèlement à sa carrière de compositeur, il écrit des critiques musicales. Pour lui, le journalisme est à la fois la meilleure et la pire des choses. Il se plaint du Rénovateur, de la Gazette Musicale ou encore du Monde Dramatique, qui payent mal et lui prennent trop de temps.
En effet, même si écrire pour les journaux parisiens fait rentrer de l’argent tout de suite, Berlioz souhaite avant tout composer, ce qui demande beaucoup de temps avant de rapporter de l’argent.
Toute ma vie n’a été qu’une longue et ardente aspiration vers un idéal que je m’étais créé.
Paganini à la rescousse
Paris, avec obstination, se désintéresse de lui. Si le compositeur ne se produit ou ne se programme pas lui-même, on ne le joue pas. Cependant, en 1834, Paganini lui commande une œuvre pour alto et orchestre inspirée du personnage d'Harold de Lord Byron, un jeune voyageur bipolaire. Elle s'intitulera "Harold en Italie".
Cette faculté maudite qu'est l’imagination ne fait de notre vie qu'un mirage continuel.
Une faculté maudite qui lui fournit tout de même quelques images et des idées musicales fixes, comme les Abruzzes où un montagnard joue du piffero, une sorte de hautbois à sa maîtresse, et le chant lointain des pèlerins qui récitent la prière du soir. Lorsque ce passage bissé est joué pour la première fois, le harpiste se goure d’entrée et reste décalé par rapport à l'orchestre. Le chef, au lieu de le corriger, crie à l’orchestre "dernier accord!" au grand dam de Berlioz.
>>A écouter: "Harold en Italie" d'Hector Berlioz, joué par l'Orchestre national de France dirigé par Emmanuel Krivine.
La fin de la symphonie est sauvage et aura l’odeur du carnage. L'"Orgie de Brigands" passe par un rythme aux accents beethoveniens.
Un style dramatique
Nourri aux livres de Lord Byron, Shakespeare ou Chateaubriand, avec Berlioz tout devient drame et c’est l’essence même de sa musique.
Il me manquait quelque chose pour remplir l'abîme de mon existence: je descendais dans la vallée, je m'élevais sur la montagne, tout était cette flamme future, et les astres dans les cieux, et le principe même de vie dans l'univers.
L’orchestre, c’est l’instrument et le laboratoire de Berlioz. Il teste mille effets, mille combinaisons. En revanche, bien qu’il vive au milieu du siècle de Liszt ou Chopin, le compositeur ignore superbement le piano.
Paris applaudit chaleureusement "Harold en Italie" au premier concert. Mais au deuxième, Paris a déjà oublié. Berlioz, toujours une réplique dramatique sous le coude, aurait déclaré en mourant: "Enfin on va jouer ma musique!"
ms