Son jeune acteur Tahar Rahim, 28 ans, a réussi un doublé
historique en empochant le prix du meilleur acteur et celui du
meilleur espoir masculin. Cet haletant film noir le voit sous les
traits de Malik El Djebena, sur lequel se referment les portes de
la prison. Illettré, sans famille, il est une page vierge où vont
s'inscrire les codes brutaux de l'univers carcéral. S'adaptant
remarquablement vite, il devient un vrai malfrat.
"Je remercie mes acteurs chéris", a déclaré le réalisateur Jacques
Audiard avant de faire de la scène du théâtre du Châtelet une
tribune politique. "Il y a des gens qui demandent juste un titre de
séjour. Ce serait bien que les pouvoirs les regardent mieux et
acceptent de recevoir le collectif des cinéastes pour les
sans-papiers", a-t-il lancé à l'adresse notamment du ministre de la
Culture Frédéric Mitterrand, assis dans la salle.
Sang neuf
Treize fois nommé, "Un prophète" partait largement favori,
quatre ans après le précédent triomphe d'Audiard aux César 2006.
Son film "De battre mon coeur s'est arrêté" avec Romain Duris avait
raflé huit statuettes, dont celles de meilleur film et du meilleur
réalisateur. Heureux du "privilège" d'avoir tourné deux films avec
Jacques Audiard, Niels Arestrup, César du meilleur acteur dans un
second rôle, a remercié le cinéaste pour tout ce sang neuf qu'il
propose dans le cinéma français. "C'est important et réjouissant",
a-t-il dit.
Lauréat du Grand prix à Cannes et en lice pour l'Oscar du meilleur
film étranger décerné à Hollywood le 7 mars, ce polar a aussi été
primé pour son scénario. La récompense est partagée entre Jacques
Audiard et ses co-scénaristes Abdel Raouf Dafri, Nicolas Peufaillit
et Thomas Bidegain. La photo, le montage, les décors d'"Un
prophète" ont aussi été récompensés.
Avec 1,2 million de spectateurs dans les salles où il est sorti
fin août, "Un prophète" a déjà remporté un vrai succès tant public
que critique, accumulant les récompenses: Grand prix au dernier
Festival de Cannes, Prix Louis-Delluc 2009, ou encore meilleur film
au Festival de Londres.
"Gran Torino" couronné
A 54 ans, Isabelle Adjani a empoché son cinquième César de la
meilleure actrice, qui "couronne peut-être le rôle le plus modeste
de ma carrière, un film plutôt humble", a-t-elle lancé à propos de
"La journée de la jupe" de Jean-Paul Lilienfeld. Elle y campe une
prof de banlieue. Au bord des larmes, elle a embrassé sa mère "où
qu'elle se trouve".
Du côté des nouveaux talents, Mélanie Thierry, 29 ans, a été
sacrée meilleur espoir féminin tandis que l'auteur de BD Riad
Sattouf recevait le prix du meilleur premier film avec les
portraits d'adolescents de ses "Beaux gosses".
L'Américain Clint Eastwood a reçu le prix du meilleur film
étranger avec "Gran Torino". En l'absence du réalisateur, c'est son
fils, le musicien Kyle Eastwood, qui a reçu la statuette. Il est
également l'auteur de la musique originale de "Gran Torino".
ats/cht
Le palmarès
Meilleur film français de l'année : "Un prophète" de Jacques Audiard
Meilleur réalisateur : Jacques Audiard ("Un prophète")
Meilleure actrice : Isabelle Adjani ("La journée de la jupe")
Meilleur acteur : Tahar Rahim ("Un prophète")
Meilleure actrice dans un second rôle : Emmanuelle Devos ("A l'origine")
Meilleur acteur dans un second rôle : Niels Arestrup ("Un prophète")
Meilleur espoir féminin : Mélanie Thierry ("Le dernier pour la route")
Meilleur espoir masculin : Tahar Rahim ("Un prophète")
Meilleur film étranger : "Gran Torino" de Clint Eastwood
Meilleur premier film : "Les beaux gosses" de Riad Sattouf
Meilleur scénario original : Jacques Audiard, Thomas Bidegain,Abdel Raouf Dafri, Nicolas Peufaillit ("Un prophète")
Meilleure adaptation : Stéphane Brizé, Florence Vignon ("Mademoiselle Chambon")
Meilleure musique écrite pour un film: Armand Amar ("Le concert")
Meilleur court métrage : "C'est gratuit pour les filles" de Claire Burger et Maria Amachoukeli
Meilleure photo : Stéphane Fontaine ("Un prophète")
Meilleurs décors : Michel Barthélémy ("Un prophète")
Meilleur son : Pierre Excoffier, Bruno Tarrière, Sélim Azzazi ("Le concert")
Meilleurs costumes : Catherine Leterrier ("Coco avant Chanel")
Meilleur montage : Juliette Welfling (Un prophète)
Meilleur film documentaire : "L'enfer d'Henri-Georges Clouzot" de Serge Bromberg et Ruxanda Medrea