Cet automne, des coquillages, des pêches et des muffins chantants ont heurté certains téléspectateurs français. Des symboles divers et variés de la vulve, cet ensemble d'organes génitaux externes chez la femme, représentés dans une publicité pour produits hygiéniques féminins.
Le gendarme de l'audiovisuel français, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, a été saisi, mais n'a constaté aucun manquement en matière de décence. "Les images en cause (...) ne peuvent être considérées comme véhiculant une image dégradante de la femme", a-t-il tranché en novembre.
Une affaire qui marque un tournant dans l'histoire de la représentation de cette partie du corps féminin, selon l'historien Christian-Georges Schwentzel. "Cette publicité montre clairement une évolution dans la vision qu'on peut avoir de la vulve", analyse le spécialiste de l'histoire ancienne. "Elle choque toujours, vu le nombre de plaintes déposées par des téléspectatrices et téléspectateurs, mais d'un point de vue officiel les symboles vulvaires ne sont plus considérés comme obscènes."
Une vulve méprisée à l'époque gréco-romaine
Car depuis environ 2500 ans, la vulve avait disparu des représentations culturelles. "Dans les mondes grec et romain, des sociétés phallocratiques, la vulve est complètement méprisée, reléguée et mise à l'écart au profit du phallus qui lui est sans cesse à l'honneur", explique Christian-Georges Schwentzel.
"Ce qui est tout à fait éloquent, c'est de comparer les statues qui représentent les dieux ou les héros grecs aux statues représentant les déesses grecques. Les dieux et les héros exhibent toujours leur sexe, leur pénis, alors que les déesses sont le plus souvent couvertes. Et même quand elles sont nues, il n'y a ni lèvre ni clitoris: la vulve est effacée. On a une sorte de triangle flouté, notamment pour les représentations de la déesse Aphrodite", ajoute le professeur à l'Université de Lorraine.
Mais ce triangle flouté n'a pas toujours été la norme. "Par exemple, il y a 5000 ans, dans le sud de l'Irak actuel, les Sumériens vénéraient une grande déesse de la fertilité, de la fécondité, qui s'appelait Ishtar", précise Christian-Georges Schwentzel. "Ils vénéraient tout particulièrement la vulve de cette déesse. Ils ont composé des poèmes érotiques à la gloire de cette vulve. Et ils ont aussi représenté cette vulve dans l'art."
Un étendard féministe
Sous l'influence de mouvements féministes, la vulve est à nouveau représentée dans l'art actuel, note le chercheur. A l'image de la Bulle rose, une vulve géante créée par l'artiste Marie Van Berchem et la scénographe Vanessa Ferreira Vicente dans le cadre du festival alternatif DAF à Genève. L'oeuvre a également été utilisée comme étendard lors de la grève des femmes du 14 juin dernier, pensée comme un détournement des drapeaux des processions catholiques.
"Pour moi, porter la vulve dans un espace public, c'est un moment de célébration", raconte Marie Van Berchem, soulignant que les représentations populaires et drôles du pénis dominent alors la vulve faisait figure de symbole politisé. "Il s'agit d'être fières de cette partie-là de notre corps", renchérit Vanessa Ferreira Vicente. Et de lier cette révolution à celle de la prise de conscience de l'existence du clitoris.
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Reportage de Cecilia Mendoza
Adaptation web de Tamara Muncanovic