Les salariés du magazine ont annoncé dans un communiqué avoir tous opté pour la clause de cession, un dispositif de départ que les journalistes peuvent activer en cas de changement de propriétaire d'un titre.
Une décision qui fait suite à l'annonce, début février, de la vente du magazine emblématique du 7e art, prisé de nombreux cinéphiles et qui a notamment joué un rôle clé dans la naissance de la Nouvelle vague.
Conflits d'intérêt
Richard Schlagman, ancien patron des éditions Phaïdon, qui avait racheté le mensuel au Monde en 2009, l'a cédé à un collectif rassemblant une vingtaine de personnalités. Parmi elles, on trouve des hommes d'affaires en vue, dont les fondateurs de Free, Xavier Niel, de Meetic, Marc Simoncini, et de BFMTV, Alain Weill, ainsi que des producteurs (Marc du Pontavice, Toufik Ayadi, Christophe Barral ou Pascal Caucheteux).
"Le nouvel actionnariat est composé notamment de huit producteurs, ce qui pose un problème de conflit d'intérêts immédiat dans une revue critique. Quels que soient les articles publiés sur les films de ces producteurs, ils seraient suspects de complaisance", souligne le communiqué de la rédaction.
Charte d'indépendance "contredite"
Les journalistes du mensuel avaient exprimé publiquement des craintes, et ils estiment qu'ils n'ont pas été entendus par les acquéreurs.
"La charte d'indépendance annoncée d'abord par les actionnaires a déjà été contredite par les annonces brutales dans la presse. Il nous a été communiqué que la revue devait 'se recentrer sur le cinéma français'", s'insurgent-ils, pointant également la nomination au poste de directrice générale de la déléguée générale de la SRF (Société des réalisateurs de films), qui s'ajoute aux "craintes d'une influence du milieu du cinéma français" sur la ligne du mensuel.
"Hommes d'affaires proches du pouvoir"
Ils reprochent en outre aux nouveaux actionnaires de vouloir faire des Cahiers une revue "conviviale" et "chic", ce qui serait selon eux un dévoiement par rapport à son histoire.
"Les Cahiers ont toujours été une revue critique engagée, prenant des positions claires", et "ce serait dénaturer les Cahiers que d'en faire une vitrine clinquante ou une plateforme de promotion du cinéma d'auteur français", préviennent-t-ils.
Ils désapprouvent aussi la présence parmi les repreneurs "d'hommes d'affaires proches du pouvoir", alors que le mensuel tient des positions critiques vis-à-vis du gouvernement.
Et enfin, "alors que la presse a été rachetée par les grands des télécoms, et les patrons de Meetic, de Free, de BFM jouent aux business angels, nous refusons cette concentration dans les mains des mêmes de titres jadis libres", disent-ils.
ats/jvia
Ventes en baisse
Bible des cinéphiles fondée par André Bazin, créé en 1951, Les Cahiers du Cinéma ont contribué à la naissance de la Nouvelle Vague, avec des collaborateurs passés ensuite avec succès à la réalisation comme Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Claude Chabrol.
Les ventes en France du mensuel ont reculé ces dernières années, tombant à environ 12'000 exemplaires en moyenne l'an dernier, contre plus de 15'000 en 2015, selon les données de l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).