La pandémie de coronavirus stresse le système sanitaire, avec les soignants en première ligne, elle menace l'économie mondiale et perturbe les équilibres sociaux, en exposant les plus faibles. Comment penser ce qui nous arrive?
La philosophie peut nous aider à traverser cette déferlante qui brise nos repères, transforme notre quotidien, modifie notre rapport aux autres, à l'espace, à la liberté et au travail.
Il révèle ce que nous ne voulions pas voir
Pour le philosophe français Roger-Pol Droit, auteur du best-seller "101 expériences philosophiques quotidiennes", il s'agit d'un tsunami mental. "Parce que cela se mesure à l'échelle à la fois planétaire et intime. Peut-être même n'y a t-il jamais eu dans l'histoire d'expérience de cette ampleur et sous cette forme. Cette pandémie bouscule non seulement notre quotidien mais aussi nos pensées, nos croyances, nos certitudes, en révélant ce que nous ne voulions pas voir: la fragilité de nos existences et l'arrivée du hasard, puisque personne ne s'y attendait. Il s'agit d'une expérience philosophique radicale".
Très différent de la crise de 2008
Il y a une dizaine d'année Roger-Pol Droit avait défini notre société contemporaine par son obsession de la maîtrise et sa volonté d'éradiquer le hasard, de le supprimer des rencontres amoureuses, de nos choix personnels ou artistiques, de la médecine, de la biologie, de la finance.
Mais le hasard fait partie de l'existence. En voulant l'éliminer, il revient sous la forme de ce virus imprévisible qui nous fait éprouver en profondeur notre rapport à la contingence et à l'aléatoire.
Mais s'il y a expérience radicale, il devrait y avoir aussi changement radical. Peut-on imaginer un avant et un après coronavirus? "Personne ne le sait. Il y aura, c'est certain, un après très douloureux, mais j'ose espérer qu'il y aura aussi des conséquences positives. La différence entre cette pandémie et la crise de 2008 ou la série d'attentats terroristes, c'est que le coronavirus s'est immiscé dans tous les registres de la société, nous obligeant à réfléchir pour notre propre compte mais aussi de manière collective".
Propos recueillis par Manuela Salvi/mcm