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Face à la maladie, la peur a-t-elle un sens?

Vincent Barras, médecin et directeur de l’Institut d’histoire de la médecine et de la santé à l’Université de Lausanne. [RTS - Mathieu Henderson]
La peur de la maladie dans l'histoire / Vertigo / 5 min. / le 26 mars 2020
Vincent Barras, historien, médecin et poète s'exprime sur la peur que l'on ressent aujourd'hui collectivement face à la pandémie de coronavirus. Quel sens a-t-elle? Et quelle place tient-elle dans l'histoire?

Quelle est la place de la peur dans le combat contre la maladie? Quel rôle joue-t-elle? Et sommes-nous tous égaux face à l'imprévu qui touche nos corps?

Toutes ces questions, et bien d'autres encore, auraient dû faire l'objet d'un débat public dans le cadre du Festival Histoire et Cité organisé par la Maison de l'Histoire de Genève et l'Université de Genève. Mais la pandémie de Covid-19 a anéanti toute possibilité de rencontres et de tables rondes pour plusieurs semaines et la manifestation, centrée sur la réflexion et la place de l'histoire, a été annulée.

Pourtant, étrange prémonition, le thème central de cette cinquième édition - un canevas établi évidemment depuis bien longtemps - était : "La Peur". Et l'événement aurait réuni historiens, intellectuels, spécialistes et philosophes.

Accepter de vivre avec la peur

Le Genevois Vincent Barras, professeur d'histoire de la médecine et des sciences à l'Université de Lausanne, tout à la fois historien, médecin, poète et intellectuel aurait dû intervenir lors d'un débat prévu le 4 avril aux côtés d'autres historiens et médecins. Rencontre qui avait pour thème: "Face à la maladie, la peur a-t-elle un sens?"

Interrogé par la RTS, Vincent Barras le dit sans ambages: "J'ai de la peine à trouver du sens dans tout cela". Pour lui, aujourd'hui, le plus sage serait d'accepter que toute cette épidémie, que cette situation effroyable, n'ait pas de sens. Une forme de résilience sans doute. "Peut-être faut-il simplement se résoudre à faire avec, à faire contre, préconise-t-il. La peur fait partie de notre condition humaine, on ne peut pas l'éviter bien sûr. Mais on peut peut-être essayer de la surmonter ou réussir à vivre avec."

>> A écouter, l'entretien avec Vincent Barras :

Vincent Barras, médecin et historien [RTS]RTS
Entretien avec Vincent Barras, médecin et historien de la médecine / QWERTZ / 17 min. / le 30 mars 2020

Bien sûr, l'imprévisibilité de ce qui se passe aujourd'hui, avec la pandémie de Covid-19, ajoute à notre angoisse. "Notre génération vit, sans aucun doute, quelque chose d'inédit", souligne le médecin. Une situation sans précédent contemporain qui s'accompagne aussi d'une angoisse nouvelle, celle de l'invisibilité du virus: cet ennemi imperceptible qu'il nous faut combattre en nous tenant le plus possible éloignés des autres, tout en restant solidaires...

Un paradoxe que nous sommes désormais contraints d'accepter: puisque depuis plusieurs jours, nous voilà à la fois seuls et associés dans nos solitudes... "Il y aura probablement quelque chose qu'il faudra repenser dans les stratégies ou dans la façon dont collectivement nous pouvons affronter ce confinement qui est, par essence, quelque chose qui nous individualise."

Une constante de l'histoire de l'humanité

Mais l'historien et spécialiste de l'histoire de la médecine tient aussi à rappeler que des épidémies mondiales ont déjà ravagé la planète par le passé. "C'est même une constante de l'histoire de l'humanité", rappelle-t-il. A l'image de la peste au Moyen Age, de la grippe espagnole ou des épidémies qui sont survenues dans l'Antiquité.

Et d'espérer que peut-être une catastrophe comme celle que la population est en train de vivre poussera tout un chacun à repenser sa place dans le monde, son comportement vis-à-vis de l'environnement et l'équilibre entre le vivant et le non-vivant. "Le citoyen lambda commence peut-être à réfléchir à cela, conclut-il. Et à sa position dans l'univers."

Linn Levy/ld

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