«Je voudrais dédier ce prix à Ingmar Bergman (décédé fin
juillet, ndlr.) que j'ai eu la chance de rencontrer pendant la
postproduction du film. Il m'a embrassé et je vous transmets ce
baiser, car il ne m'était pas destiné, il s'adressait à vous, les
gardiens du cinéma», a déclaré Ang Lee, 53 ans.
«Pour moi, vous êtes les sept Samouraïs, merci pour votre aide,
c'est un grand honneur» a ajouté Lee, en se tournant vers les sept
membres du jury. Présidé par le Chinois Zhang Yimou et composé de
cinéastes Catherine Breillat, Alejandro Gonzalez Inarritu, Jane
Campion -le jury de la 64e édition du festival a distingué ce natif
de Taiwan, installé aux Etats-Unis depuis 1978, deux ans après son
Lion d'or pour «Le secret de Brokeback mountain», une histoire
d'amour impossible entre deux cow-boys.
Cinéma asiatique en vogue
C'est donc la troisième année consécutive que la Mostra consacre
un cinéaste asiatique, puisque «Still life» du Chinois Jia Zhangke,
une chronique sociale sur fond de construction du barrage des
Trois-Gorges avait gagné l'an dernier. Inspiré par le versant
asiatique de la double culture de Lee, «Lust, caution» relate une
histoire d'espionnage et de sexe dans le Shanghai des années 1940,
tirée d'une nouvelle éponyme d'Eileen Chang.
Les prix d'interprétation (Coupe Volpi), sont allés à l'Américain
Brad Pitt pour «The assassination of Jesse James by the coward
Robert Ford» d'Andrew Dominik, où il joue le bandit Jesse James,
ainsi qu'à l'Australienne Cate Blanchett qui incarne un Bob Dylan
androgyne dans «I'm not there» de Todd Haynes. Tous deux absents,
les acteurs ont fait lire un mot de remerciement.
Kechiche le chouchou
Le film de Haynes a aussi raflé le prix spécial du jury,
ex-aequo avec «La Graine et le mulet», chaleureux portrait d'une
famille métissée et fine chronique sociale signée par le
franco-tunisien Abdellatif Kechiche. Chouchou du public et des
critiques, le troisième film de Kechiche a en outre gagné le prix
Mastroianni de la meilleure révélation, décerné à Hafsia Herzi, 20
ans à peine et très émue. «Merci, merci beaucoup, merci Abdel de
m'avoir donné cette chance, merci à tous», a-t-elle déclaré, riant
et pleurant à la fois.
Deux cinéastes chevronnés sont repartis avec des honneurs.
L'Américain Brian De Palma, 67 ans, a remporté le Lion d'argent de
la meilleure réalisation pour son film-choc sur la guerre en Irak
«Redacted», qui relate l'assassinat d'une fillette irakienne par
des soldats américains. «J'ai recherché la vérité sur la guerre en
Irak sur internet (...) et je peux vous dire que les photographies
de la fin du film sont très proches de la réalité», a-t-il
déclaré.
Honneur à Mikhalkov
Venu avec «12» son premier film en neuf ans, le Russe Nikita
Mikhalkov, 62 ans, a reçu un Lion d'argent pour l'ensemble d'une
oeuvre («Soleil trompeur», «Les yeux noirs», «Le Barbier de
Sibérie», etc.) marquée par la mélancolie, l'ironie et un certain
fatalisme dans son évocation d'une «Russie éternelle».
En revanche le Britannique Ken Loach a dû se contenter du prix du
meilleur scénario, décerné à Paul Laverty pour «It's a free world»,
émouvante chronique de l'exploitation économique des immigrés
clandestins. La Mostra, doyenne des festivals de cinéma, a aussi
fêté ses 75 ans en décernant un Lion d'or spécial au cinéaste
italien Bernardo Bertolucci, âgé de 66 ans, pour l'ensemble de son
oeuvre (dont «Dernier tango à Paris», «Le Dernier empereur»,
«Little Buddha»).
afp/sun
Le palmarès
Lion d'or du meilleur film: «Lust, caution» du Taïwanais Ang Lee
Coupe Volpi du meilleur acteur: l'Américain Brad Pitt pour son rôle dans «The assassination of Jesse James by the coward Robert Ford».
Coupe Volpi de la meilleure actrice: l'Autralienne Cate Blanchett pour son rôle dans «I'm not there».
Prix Mastroianni de la meilleure révélation à Hafsia Herzi pour son rôle dans «La Graine et le mulet», d'Abdellatif Kechiche.
Lion d'or spécial à Bernardo Bertolucci, 66 ans, pour l'ensemble de son oeuvre.
Lion d'Argent: le cinéaste russe Nikita Mikhalkov pour l'ensemble de son oeuvre.
Lion d'Argent-Prix de la mise en scène: l'Américain Brian De Palma pour «Redacted».
Prix spécial du jury: le Franco-tunisien Abdellatif Kechiche ex aequo avec l'Américain Todd Haynes.
Meilleur scenario à Paul Laverty pour «It's a free world», de Ken Loach.