>> En 2019, Nintendo fêtait ses 130 ans. En 2020, Mario soufflait ses 35 bougies. Et en 2021, c'est au tour de Donkey Kong de célébrer ses 40 années. Et enfin en 2021, ce sera aussi les 35 ans de la plus célèbre princesse de Nintendo: Zelda.
>> "Nintendo, plus c'est intelligent, plus c'est amusant"! Cette phrase prononcée à la fin des publicités TV a marqué toute une génération, qui a pris de plein fouet l'arrivée des consoles sur le marché du jouet à l'aube des années 1990. Retour sur l'histoire d'une marque iconique.
>> Un sujet proposé par Ellen Ichters pour la chronique "Spectrum" diffusée sur Couleur3.
Les origines
The dark side of Nintendo
Au coin d'une rue étroite de Kyoto, coincé entre deux rivières, on peut toujours admirer l'ancien bâtiment qui abritait les quartiers généraux de Nintendo. Ce qui frappe, c'est la petite taille de la bâtisse de pierre, qui aurait bien du mal à abriter les quelques 6000 employés actuels du géant du jeu vidéo.
Comme beaucoup d'entreprises japonaises, Nintendo plonge ses racines dans la seconde moitié du XIXe siècle, quelques décennies après que quelques bateaux américains ont forcé l'archipel à s'ouvrir et initié ce qu'on a appelé "l'ère Meiji".
Le fondateur de Nintendo, Fusajiro Yamauchi, serait bien étonné de savoir qu'aujourd'hui son entreprise s'est spécialisée dans un contenu familial, loin de toute forme d'illégalité. Car pour Nintendo, ça n'a pas été toujours le cas, même si le jeu a toujours fait partie de l'ADN de l'entreprise.
Dans le Japon de 1889, année de naissance de l'entreprise, on adore jouer. Pas encore aux jeux vidéo évidemment, mais aux cartes. Des cartes qu'on appelle les Hanafuda, littéralement "Jeu des fleurs" en français. Ce sont les commerçants et navigateurs portugais qui amènent les cartes au Japon dans leurs cales de bateau au XVIe siècle.
Associées aux jeux d'argents, les cartes ne jouissent pas à l'époque d'une bonne réputation, et le gouvernement japonais va même jusqu'à les interdire. La population apprend alors à contourner la loi en développant des jeux de plus en plus abstraits, pour échapper aux arrestations dans un jeu du chat et de la souris qui durera plusieurs siècles. Le jeu étant illégal, il se rapproche fatalement des milieux illégaux. A la réouverture du Japon au XIXe siècle, sous l'ère Meiji, les jeux de cartes sont devenus un domaine largement affilié aux Yakusas. Le mot "Yakuza" lui-même, à l'origine, désigne la plus mauvaise main dans un jeu de cartes.
Le plus connu des cartiers de Hanafuda est Nintendo. La célèbre marque a en effet été créée en 1889 afin de commercialiser les fameuses cartes. Il plane donc une aura de scandale sur les origines de Nintendo - dont le nom même contiendrait des références directes aux Yakusas - notamment par la présence d'un kanji, un idéogramme, faisant référence aux Chevaliers auxquels se comparent les Yakusas. Mais à dire vrai, tout cela reste de l'ordre de la légende. Dans le doute, on préférera la traduction officielle, dans laquelle Nintendo signifierait "Laisser sa chance au ciel".
La quête d'identité
Des Love Hotels aux jeux pour enfants
Nintendo est une entreprise familiale qui se passe d'héritier mâle en héritier mâle, quitte à adopter son gendre et lui faire changer de nom de famille.
Dans les années 1950, c'est Hiroshi Yamauchi, arrière-petit-fils du fondateur, qui reprend une boîte florissante. Mais il comprend vite que les cartes à jouer, même en plastique, et malgré un accord avec Disney, des cartes pour adultes et une entrée en bourse, ont leurs limites de marché. La croissance est limitée, il faut se diversifier.
Durant les années 1960, Nintendo s'emploie donc à explorer d'autres secteurs et pendant un temps, on trouvera des poussettes Nintendo, du riz instantané Nintendo, une chaîne de taxis Nintendo, et un Love Hotel Nintendo - un hôtel de passe dans lequel on ne joue certainement pas aux cartes.
Nintendo se perd, il faut se recentrer. Un domaine semble prometteur: celui des jeux. Hiroshi Yamauchi engage alors une personne qui va tout changer: Gunpei Yokoi.
En 1966, dans une des usines de fabrications de cartes de Nintendo, Hiroshi Yamauchi, en visite, est tout de suite impressionné par un jouet que Gunpei Yokoi, alors ouvrier dans l'usine, a fabriqué durant son temps libre: l'Ultra Hand, un bras télescopique plutôt rigolo. Ce jouet connaît un gigantesque succès, comme d'autres créations de Yokoi. En 1981, à 40 ans, Gunpei Yokoi pouvait se targuer d'être une personne influente dans l'univers du jouet. Et il s'apprêtait à injecter la magie de l'électronique là-dedans.
Une place dans le jeu vidéo
Donkey, Mario & Co
Au milieu des années 1970, l'électronique fait son entrée dans le quotidien des foyers américains et japonais. En tête de gondole, il y a le géant Atari, créateur du jeu Pong, et de la console Atari 2600. Mais dans son sillage, tout s'emballe: les salles de jeux d'arcade, Space Invaders, les shooting games, et bien sûr, l'arrivée de l'incroyable PacMan des Japonais Bandai, en 1980.
Bien sûr, Nintendo souhaite avoir son rôle à jouer dans ce nouvel Eldorado, mais les débuts, à la toute fin des années 1970, laissent à désirer.
Arrive alors un nouveau personnage dans l'histoire: un certain Shigeru Miyamoto, jeune dessinateur de mangas et concepteur de jouets avec une solide formation dans le design industriel. Yamauchi, patron de Nintendo, le mandate pour recycler les unités d'un jeu qui a fait un flop aux Etats-Unis: Radar Scope.
Miyamoto se met au travail. Il souhaite recycler des personnages qu'il apprécie: Popeye, Olive et le méchant Bluto. Mais les créateurs de Popeye s'opposent à l'utilisation de leurs personnages. Miyamoto opte pour un gorille, un charpentier et sa petite amie. Le gorille deviendra Donkey Kong, le charpentier deviendra Jumpman, qui finira par être plombier et s'appeler Mario, du nom de Mario Segale, le propriétaire des QG américains de Nintendo à Seattle. La fille sera Lady, puis Pauline, du nom de l'épouse d'un des employés.
Kong est l'animal de Jumpman-Mario. Il retient Pauline prisonnière et empêche Mario de venir la chercher en lui balançant des tonneaux. On est en 1981. Pour la première fois de l'histoire du jeu vidéo, les concepteurs ont développé une trame narrative, avant de développer le jeu en lui-même.
Donkey Kong a un énorme succès, notamment grâce à la mise sur le marché de la mini-console Game & Watch, imaginée par l'ingénieur Gunpei Yokoi.
Une aventure lucrative
"The Legend of Zelda", canon du RPG
Il était une fois une princesse au regard interrogateur, vaillante mais inquiète, sage et déterminée, prête à tout pour défendre son royaume des griffes d'un monstre maléfique. Un jeune homme habillé comme Peter Pan lui vient en aide. Cette histoire, c'est celle du jeu "The Legend of Zelda", sorti par Nintendo en 1986.
Avec cette nouvelle aventure, le créateur Shiguri Miyamoto repousse encore plus loin les limites du jeu vidéo en puisant dans son propre vécu.
Enfant, Miyamoto a sillonné la nature et la campagne proche de Kyoto. Tous les jours, il se promenait, sans but précis, allant dans la montagne, traversant les rizières et découvrant sa région au gré du hasard. Un jour, il tombe sur une grotte et hésite pendant des jours avant de l'explorer. Cette expérience devient une des bases sur laquelle il développe la philosophie de Zelda: une sorte de quête initiatique et presque méditative.
Alors qu'un jeu comme Mario est très linéaire, "The Legend of Zelda" propose pour la première fois un monde ouvert, mettant en avant l'exploration avant la performance: des grottes, des labyrinthes, des rencontres inattendues et des défis cachés deviennent rapidement la marque de fabrique de son créateur.
Un univers dans lequel le joueur doit lui-même se demander quelle va être sa prochaine action constitue alors une révolution. Miyamoto et son collègue Tezuka Takashi imaginent l'imagerie chevaleresque du royaume d'Hyrule, les caractéristiques du protagoniste principal, Link, et surtout, le personnage de Zelda, dont le nom est inspiré par Zelda Fitzgerald, l'épouse intrépide de l’auteur américain F. Scott Fitzgerald.
Entre 1981 et 1986, Nintendo a créé Donkey Kong, Mario et Zelda. Trois des franchises les plus importantes de toute l'histoire du jeu video.
Durant cette période, Nintendo a relevé le défi de se positionner comme un acteur de poids sur le marché américain. Leur secret: proposer des jeux exclusifs sur leur console, ne pas sortir plus de cinq jeux par année, et faire en sorte que chaque jeu propose une dimension originale qui lui soit propre.
La musique du succès
Des productions uniques et reconnaissables
Chez Nintendo, la musique et le son occupent une place très particulière et ce, depuis les débuts des grandes franchises. Au début, les programmeurs du jeu codent à la fois le jeu et la musique. Mais très vite, en 1984, Nintendo engage son tout premier compositeur à plein temps: Koji Kondo. C'est une première dans le secteur du jeu vidéo.
Kondo travaille sur plusieurs petits mandats, avant de se voir confier une première grosse mission en 1985: créer l'univers musical de Super Mario Bros. Un défi que Koji Kondo a relevé avec brio en six petites musiques de jeu. Rebelote l'année suivante avec "The Legend of Zelda".
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Le fait d'accorder une importance aussi grande à la musique dans chaque univers a permis à Nintendo de rendre chacune de ses productions totalement unique et de traverser les pays et les générations. C'est probablement aujourd'hui que Nintendo récolte les fruits les plus rentables d'investissements faits il y a 35 ans: Mario s'invite dans un deal avec une célèbre marque de jeans et "Animal Crossing" s'autorise à publier dans son jeu des panneaux d'affichage pour la présidentielle de Joe Biden.
A en croire l'augmentation de la production de Switch de 20% sur 2020, à cause de ou grâce à la crise du Covid - véritable booster du jeu vidéo - Nintendo chemine confortablement en direction de son prochain jubilé - 135 ans en 2024. Vous avez le temps de vous faire une dizaine de tendinites du pouce sur une console en attendant...