"Quand je commence à peindre, je ne suis rien du tout. Et quand j'ai fini de peindre, je redeviens rien du tout." Paroles de l’artiste suisse romande Francine Simonin décédée samedi dernier des suites d'un cancer dans sa patrie d’adoption, le Canada. Elle avait 84 ans.
Pour elle, il était important de faire la navette entre deux continents et deux cultures, l’Amérique l’encourageant dans la libre exploration picturale, la Suisse l’incitant plutôt à synthétiser son geste et sa pensée dans la gravure.
Artiste majeure en Suisse romande
Francine Simonin, c’est l’artiste de l’énergie, l’artiste des grands gestes, d’une chorégraphie sans cesse renouvelée. Elle dessinait, peignait, gravait et aimait les grandes surfaces à travailler à même le sol, comme l’empreinte d’un ballet de noirs ou de couleurs. Une œuvre animée de traits rapides, de griffures, de soupirs, une danse si vibrante.
Elle aimait graver et imprimer toutes ses audaces, ses recherches, ses intuitions avec le complice de toujours Raymond Meier dans son atelier de gravure à Pully.
Abstraction, oui, mais ces danses expressives nous rappellent des paysages, des corps, des écritures, et aussi le Léman qu’elle a osé peindre sur le tard, depuis Evian où elle vivait quelques mois par année. Sa vision du lac inversée, l’aube se lève à l'ouest et se couche à l'est, l'enchantait. Du côté français, elle le jugeait plus intime.
Pourtant, c'est dès l'enfance que le Léman s'est gravé en elle, quand petite fille, elle l'admirait depuis le quatrième étage d'un immeuble de la place Chauderon. Cette vue plongeante, elle l'a portée en elle et elle a infusé toute son oeuvre.
L'acte de créer
Francine Simonin, grand prix de la fondation vaudoise pour la culture en 1990, artiste prolifique, toujours prête à accompagner de ses enseignements les jeunes pousses, amie proche de Marguerite Duras, entourée d’une famille d’artistes d’ici et de là-bas, était une des artistes majeures de Suisse romande.
Cette petite femme en taille, lunettes foncées pour protéger des yeux mal en point, une canne pour se déplacer, du thé et ses inséparables cigarettes, confiait ce qu'est l'acte de créer en 2017.
"Son esprit indépendant et son énergie fulgurante se manifestaient dans son œuvre de façon viscérale. Sa compréhension profonde des techniques d'estampe et de peinture lui ont permis de transcender son art à pleine puissance. Son œuvre est gigantesque", écrit son galeriste québécois Louis Lacerte en lui rendant hommage sur Facebook.
"Comme tous les grands peintres de notre région, c'était une poétesse du Léman. C'est une immense artiste qui nous a quittés", a réagi le syndic de Lausanne Grégoire Junod. La capitale vaudoise compte une vingtaine d'œuvres de l'artiste dans sa collection d'art.
Francine Simonin figure également depuis une année dans l'exposition permanente du nouveau Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA). Au cours de sa carrière, elle a reçu de nombreuses distinctions, comme le Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la création artistique en 1990. Le Musée national des beaux-arts du Québec l'a aussi distinguée en 2004 pour l'ensemble de son œuvre gravée.
Florence Grivel/mcm avec les agences