Les douze caricatures de Mahomet ont été publiées le 30 septembre 2005. Ces dessins paraissent à l'époque dans l'un des plus grands quotidiens du Danemark, le conservateur Jyllands-Posten. Illustrant un article consacré à l'autocensure et à la liberté de la presse, ils provoquent une onde de choc sanglante et mondiale qui n'a pas cessé depuis quinze ans.
Mais la mèche a été allumée avant, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 en fait, quand le polémiste néerlandais Theo Van Gogh s'est mis à critiquer l'Islam et à insulter le prophète à l'occasion de son film "Soumission", sorti en août 2004. Il est assassiné le 2 novembre.
Le rapport entre cet assassinat et la publication des caricatures est un écrivain danois, Kare Bluitgen. En 2005, il s'émeut de l'autocensure ambiante liée à l'Islam, une autocensure qui serait consécutive à l'exécution de Theo Van Gogh. Comme Kare Bluitgen ne trouve personne pour illustrer son livre pour enfant consacré à Mahomet, le quotidien Jyllands-Posten lance pour lui un concours, concours auquel répondent donc douze dessinateurs. Mais quelques jours après la publication, tout s'envenime.
Le 14 octobre 2005, 3'500 musulmans manifestent devant les bureaux du journal à Copenhague. Deux dessinateurs sont menacés de mort.
Un journal égyptien publie des dessins. D'autres suivent en Belgique, Croatie, Italie, Suisse, mais pas en Grande-Bretagne. En France, Charlie Hebdo enfonce le clou en rajoutant une série de caricatures de ses propres dessinateurs.
En février 2006, les manifestations essaiment à travers le monde. Comme à Saana, au Yémen, où 5'000 femmes hurlent leur colère, ou encore en Jordanie.
La colère enfle. On compte les premières victimes: un mort à Jakarta, un autre à Jalalabad, quatre à Kaboul. 70'000 personnes se réunissent à Peshawar. Au Nigéria, quinze chrétiens sont assassinés, onze églises partent en fumée.
Les dirigeants français et britanniques s'excusent et condamnent… leurs journaux. Pour l'ex-président Jacques Chirac, "il ne faut pas blesser". Pour Jack Straw, "la presse a eu tort" de publier les caricatures.
Micheline Clamy-Rey estime que la liberté de la presse a des limites
Le 12 février 2006, notre conseillère fédérale Micheline Clamy-Rey est interrogée dans l'émission "Forum" de la RTS après des propos dans la presse dominicale. Elle demande davantage de respect envers les musulmans, et estime que la liberté de la presse a des limites. Les musulmans de Suisse romande sont aussi choqués, fâchés, tristes.
>> A lire, Micheline Calmy-Rey s'exprime à propos des caricatures en 2006 : Caricatures
Depuis lors, les caricatures de Mahomet n'ont jamais sombré dans les oubliettes de l'actualité. A un point tel qu'on pourrait diffuser des heures et des heures d'émissions et d'articles de presse liés à ce thème depuis une quinzaine d'années.
Le 2 novembre 2011, un incendie frappe le siège de l'hebdomadaire Charlie Hebdo. Dans un reportage audio de la RTS réalisé ce jour-là, on entend Charb s'exprimer.
Le dessinateur Charb a été tué dans les attentats de Charlie Hebdo, quatre ans plus tard, le 7 janvier 2015. Et alors que le procès historique de ces attentats se déroule en ce moment même à Paris, un enseignant a été décapité vendredi dernier à cause de ces mêmes douze dessins publiés il y a quinze ans et republié récemment par Charlie Hebdo qui est aussi revenu dans un livre sur ses cinquante ans de lutte pour la liberté d'expression.
Antoine Droux/olhor
>> A consulter aussi: le dossier sur le dessin de presse des archives de la RTS