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Quelle responsabilité des réseaux sociaux dans l'attentat de Conflans?

Plusieurs villes américaines ont adopté l'algorithme anti-terroriste. [Pixeltrap]
Quelle responsabilité des réseaux sociaux dans lʹassassinat du professeur Samuel Paty? / Vertigo / 7 min. / le 23 octobre 2020
L’enquête en France sur l’assassinat du professeur Samuel Paty démontre que la polémique sur un de ses cours sur la liberté d’expression a été intentionnellement faussée et relayée principalement sur les réseaux sociaux. Comment réguler les algorithmes des réseaux sociaux?

Un enseignant français qui avait montré des caricatures de Mahomet à ses élèves a été décapité vendredi 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorines, près de Paris. Son assaillant, un jeune Russe tchétchène de 18 ans, a été tué par la police, peu de temps après l'attaque.

Son message de revendication publié sur Twitter, accompagné d’une photo de Samuel Paty décapité, a été supprimé puis son compte désactivé.

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Polémique virale

Rappel des faits: des personnes, dont le père d’une de ses élèves, se sont mises à critiquer l’enseignant dans plusieurs messages diffusés sur Facebook et dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux, parce qu’il a présenté deux caricatures du prophète Mahomet en classe.

Le père d’une collégienne s'y dit choqué, qualifie l’enseignant de "voyou" et appelle à le dénoncer, en diffusant son identité. L’enquête a démontré entre temps que sa fille n’était pas en classe ce jour-là.

>> A voir, Professeur décapité: la France multiplie les perquisition et les enquêtes :

Professeur décapité: la France multiplie les perquisition et les enquêtes.
Professeur décapité: la France multiplie les perquisition et les enquêtes. / 19h30 / 1 min. / le 19 octobre 2020

Reste que les propos et les images ont été aussitôt repris, y compris par le terroriste qui a décapité l’enseignant, et se sont propagés de façon virale. Cette campagne de dénigrement a fini par une exécution. 

Sur les réseaux, la colère

Pour Nathalie Devillier, enseignante et chercheuse en droit numérique à l'Ecole de management, de Grenoble, le noeud du problème est l'algorithme et le business model des GAFAM: "Il y a une opacité totale entre la manière dont les données sont captées, comment elles sont traitées et circulent et comment elles peuvent avoir des cibles et des objectifs. Ce n'est pas un algorithme qui décide, ce sont ses créateurs". Or, pour Nathalie Devillier, l'intention des créateurs des algorithmes est claire: c'est de nous faire rester un maximum de temps sur les plateformes sociales et de nous faire consommer et partager des contenus.

Tant que vous interagissez avec l'interface [des réseaux sociaux], vous offrez vos données. On souhaite vous conserver sur la plate-forme à tout prix pour ensuite monétiser ces données.

Nathalie Devillier, enseignante et chercheuse en droit numérique à Grenoble Ecole de management

Plusieurs études ont démontré que la colère est plus influente que les autres émotions. Les tweets indignés peuvent se propager plus rapidement et plus largement sur les réseaux.

En mai 2020, le Wall Street Journal a révélé que les dirigeants de Facebook avaient mené des recherches en interne sur les effets générés par leur plate-forme. Le rapport concluait que les algorithmes de Facebook exploitent "l’attrait du cerveau humain pour la division" dans le but d’attirer l’attention des utilisateurs et d’augmenter le temps passé en ligne.

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Discours de haine en Suisse

La Suisse manque cruellement de données concernant les discours de haine racistes en ligne. Au mois d’août, un rapport, réalisé avec le soutien du Service de lutte contre le racisme du Département Fédéral de l’intérieur, a été publié.

Pour Léa Stahel, sociologue à l'Université de Zurich et autrice de ce rapport, les discours de haine racistes sont de plus en plus fréquents dans le monde virtuel. A cela s'ajoute la difficulté de définir ce qu’est un discours de haine raciste. Les mêmes termes peuvent être anodins dans un contexte, ou dans un pays, et considérés comme haineux dans un autre.

>> A écouter, La décapitation d’un enseignant provoque effroi et indignation en France :

Des milliers de personnes rassemblées à Paris en hommage au professeur décapité. [Keystone/EPA - Yoan Valat]Keystone/EPA - Yoan Valat
RTSreligion - La décapitation d’un enseignant provoque effroi et indignation en France / Chronique de RTSreligion / 2 min. / le 19 octobre 2020

Facilité d'accès

Selon le rapport, n'importe quelle personne peut diffuser des contenus sur internet hors de toute contrainte spatiale et temporelle. Auparavant, et la différence est de taille, les médias dits classiques jouaient le rôle de "gardiens de l’information", qu’ils contrôlaient en appliquant des critères éthiques. Il y a vingt ans déjà, cette facilité d’accès à Internet avait suscité l’espoir d’une démocratisation du débat public.

"Ces attentes se sont en partie concrétisées, mais toute médaille a son revers: certains internautes y publient des opinions qui s’écartent des normes de communication habituelles, en cela qu’elles sont fausses, punissables ou de mauvaise qualité. Les groupes haineux ont eux aussi tiré parti de l’essor de ce "culte de l’amateur", comme le montrent les propos tenus en 2008 par un meneur du Ku Klux Klan: 'Nous n’avons plus vraiment besoin des médias (…), la seule chose dont nous ayons besoin, c’est internet'", lit-on dans le rapport.

Profil des auteurs

Les auteurs de ces messages de haine raciste partagent certaines caractéristiques, sans pour autant parler d'un profil type. "Il s’agit généralement d’hommes, plutôt jeunes, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de femmes ou de personnes plus âgés", explique Léa Stahel.

Dans leur profil, il faut tenir compte du contexte politique, social et du type de plateforme sur laquelle ils naviguent. L’environnement social, politique et culturel est tout aussi important que la personnalités de ces utilisateurs.

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Simplification et sensationnalisme

"Les propos haineux comptent parmi les contenus qui retiennent le plus l'attention sur internet. Les conflits, les scandales et les infractions aux normes légales ou morales sont parfaits pour surfer sur les humeurs du moment et déclencher des émotions", précise le rapport.

L’attentat terroriste qui a eu lieu en France démontre encore une fois que les auteurs de discours de haine en ligne savent créer des hyperliens, s’organisent en réseau et s’inspirent mutuellement.

Pour arrêter la viralité de ces propos, il faut cesser d'alimenter les algorithmes en repostant, en commentant ou en retweetant. Ces discours de haine ne nuisent pas seulement aux personnes qui en sont la cible, mais aussi aux internautes qui en sont témoins et à la société en général.

Miruna Coca-Cozma

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