En 2021, un nouveau bâtiment du Kunsthaus de Zurich accueillera les Cézanne, les Van Gogh ou encore les Monet de la collection d'Emil Bührle. En attendant, la Ville et le canton de Zurich ont mandaté une étude pour faire toute la lumière sur les liens entre les ventes d'armes et la collection d'art, dont les conclusions ont été présentées mardi.
En effet, les armes ont fait d'Emil Bührle, originaire d'Allemagne, l'homme le plus riche de Suisse à son époque. "La constitution de cette collection d'art de classe mondiale a été rendue possible grâce à l'immense fortune que Bührle avait accumulée grâce aux exportations d'armes avant, pendant et après la Deuxième Guerre mondiale", explique l'historien Matthieu Leimgruber, de l'Université de Zurich, auteur de l'étude.
"Opportuniste impitoyable"
Le document dépeint Emil Bührle comme un "opportuniste impitoyable" dans les affaires. Patron de la Werkzeugmaschinenfabrik Oerlikon, il a fourni des canons antiaériens à l'Allemagne entre les deux guerres mondiales.
"Ce n'est pas noir ou blanc. Il ne se souciait pas beaucoup de la situation politique. Il a intégré dans son entreprise des nazis venus d'Allemagne, car ils étaient de bons ingénieurs dans le domaine des armes. En même temps, il a collaboré avec des marchands d'art juifs et gauchistes pour constituer sa collection", analyse le pro-recteur de l'Université de Zurich Christian Schwarzenegger, au micro du 12h30.
Des affaires avec les nazis et les Alliés
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Emil Bührle a d'abord vendu des canons aux Alliés pour environ 60 millions de francs. Après la défaite de la France, l'entrepreneur a approvisionné l'Allemagne en armes pour environ 540 millions de francs. Et lorsque la défaite de l'Allemagne nazie a commencé à se profiler, il a de nouveau fourni des armes aux Alliés.
La fortune personnelle d'Emil Bührle est passée de 8 millions de francs en 1938 à 162 millions en 1945. Il a utilisé une partie de cet argent pour constituer sa collection d'art, avec les premières œuvres achetées en 1936. A cette époque, les expropriations et et les persécutions raciales du régime national-socialiste avaient un grand impact sur le marché de l'art.
Au total, Emil Bührle a acheté 600 œuvres d'art pour 39 millions de francs. En 1960, les héritiers ont constitué la Fondation de la collection Emil Bührle qui en contient 200. Ce sont ces tableaux que le Kunsthaus de Zurich accueillera dès 2021.
>> Les précisions du 12h30:
Sujet radio: Alain Arnaud
Adaptation web: Valentin Jordil avec ats
Treize œuvres de la collection ont été spoliées
Entre 1941 et 1945, Emil Bührle a acheté 93 œuvres, dont 13 ont été considérées comme de l'art spolié d'après-guerre, selon l'étude. Le collectionneur, confronté à des demandes de restitution, a rendu les oeuvres à leurs propriétaires juifs. Il a ensuite pu en racheter neuf.
On ne peut pas blanchir Emil Bührle des reproches d'antisémitisme, même si un seul document écrit contient des déclarations antisémites. Mais pour l'historien Matthieu Leimgruber, il est clair qu'Emil Bührle a profité avec opportunisme de la situation des juifs persécutés et en fuite pour constituer sa collection. Emil Bührle n'était pas un nazi, mais il a fait des affaires avec le régime nazi par opportunisme, selon lui.