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Cinémas et théâtres restent fermés partout en Suisse

Le Conseil fédéral prolonge l'interdiction de toutes les activités culturelles jusqu'au 20 janvier.
Le Conseil fédéral prolonge l'interdiction de toutes les activités culturelles jusqu'au 20 janvier. / 19h30 / 2 min. / le 11 décembre 2020
Les musées peuvent rouvrir jusqu’à 19h, à l’exception des dimanches. Les théâtres et les cinémas, eux, restent fermés jusqu’au 22 janvier. Un traitement inégal "absurde", dénonce la présidente de l’Association cinématographique suisse.

"Notre message est simple", dixit le ministre Alain Berset. "Il faut continuer à vivre au ralenti et les soirées doivent être réservées au cadre privé, si possible avec très peu de contacts." En ce qui concerne les activités culturelles, par contre, force est d’admettre que le message s’est avéré un peu moins simple.

A une journaliste qui lui demandait ce qu’il en était des cinémas, Monsieur Berset a répondu: "Les cinémas sont des institutions culturelles. Ils doivent donc fermer à 19h et les dimanches. Mais les projections de films sont considérées comme des manifestations publiques. Elles sont donc interdites."

Distributeur et exploitant de trois salles indépendantes à Genève, Laurent Dutoit ironise:

Donc en gros, on peut ouvrir, on peut vendre des popcorns, mais on n’a pas le droit d’accueillir les spectateurs qui veulent voir des films.

Laurent Dutoit

"J’ai moi-même dû aller consulter l’ordonnance du Conseil fédéral et surtout la FAQ pour comprendre que les cinémas restent effectivement fermés."

Entre comédie et drame

Outre la "communication catastrophique" de cette "conférence de presse entre comédie et drame", Edna Epelbaum, exploitante de 28 salles dans l'arc jurassien et le canton de Berne et présidente de l’Association cinématographique suisse, se dit "très déçue de l’inégalité de traitement, non seulement entre le secteur de la restauration et nous, mais au sein même de la culture."

Car les musées restent ouverts, mais pas les théâtres ni les cinémas. "C’est absurde et cela n’a été étayé d’aucune explication, d’aucune argumentation", tance l’exploitante. Qui voit ces restrictions comme "une attaque" contre sa profession et "une interdiction professionnelle" d’exercer son métier.

Edna Epelbaum se réjouit au moins du fait que les mesures soient harmonisées au plan national. "Mais nous demandons des indemnisations pour survivre et sauver les salles de cinémas, et ce rapidement", poursuit-elle. "On ne peut plus se permettre d’attendre huit mois pour avoir l’argent sur nos comptes." Et de rappeler à quel point il est dur, dans ce contexte, de continuer à motiver ses équipes.

Une saison perdue

D’autant plus dur que la période de Noël, avec ses films familiaux et pour enfants, représente le cœur de la haute saison pour les salles – haute saison qui court habituellement entre octobre et février. Bien que 100 millions supplémentaires aient été annoncés pour la culture hier, Laurent Dutoit continue pour sa part d’appeler la Confédération à un plan de relance non seulement pour limiter les pertes, mais aussi pour soutenir spécifiquement le secteur de la distribution, très durement touché, plan qu’il estime entre un million et un million et demi de francs.

"Au moment de la réouverture des salles, il faut que les distributeurs puissent réinvestir autant que l’an dernier pour la promotion des films et faire revenir le public dans les salles." Est-ce la condition pour que l’expérience du cinéma en salle retrouve son public et ne passe pas définitivement sous les radars? Pour l’heure, la Confédération renvoie la balle aux cantons. 

Ascenseur émotionnel

La période des Fêtes est habituellement synonyme de relâche pour les théâtres. Malgré tout, les nouvelles mesures relèvent de la douche froide. Une minorité de théâtres espéraient encore rouvrir dès le 19 décembre et proposer des spectacles avant les congés de Noël. L’interdiction de toute manifestation publique jusqu’à la mi-janvier coupe cet élan qui tenait du baroud d’honneur.

Les annonces du Conseil fédéral provoquent des "ascenseurs émotionnels", déplore Alain Borek dont le spectacle pour enfants "Boucle d’or 2020" aura été joué à Lausanne dans un cadre scolaire et masqué, puis annulé à Genève et sera peut-être sauvé pour les écoles en Valais. Le public lambda, lui, devra patienter jusqu’à l’an prochain au mieux.

Comédienne et metteuse en scène à la tête d’une compagnie indépendante, Martine Corbat résume ainsi son année 2020: "Arrêt brutal en mars. En novembre on reprend les répétitions, mais on annule les représentations. Au Théâtre de Marionnettes de Genève, on répète pour des représentations maintenues en scolaires sur Vaud. On est prêt à charger le décor. Et vlan, annonce de l’annulation pour fin novembre sur Vaud. Les scolaires sont ré-autorisées début décembre sur Vaud mais pas à Genève, où l’on devait jouer."

On apprend vendredi passé qu’on peut jouer à Genève dès le 19 décembre, on se prépare. L’équipe artistique, administrative, technique, du théâtre s’agite, se questionne, est au bord de la crise de nerf. Burn out. Et ce soir, rien, alors qu’on est prêts (…) Impression que les artistes sont des punching-balls, des dindons de la farce…

Martine Corbat, comédienne et metteuse en scène indépendante

Dans cette débâcle, quelques spectacles subsistent en… streaming live, dont "La poupée cassée" de Martine Corbat, jouée les 11 et 12 décembre à voir sur le site du Théâtre de marionnettes de Genève. Un lot de consolation et un titre de spectacle qui résume bien l’état du théâtre romand en cette fin d’année.

Raphaële Bouchet et Thierry Sartoretti/mh

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