En un peu plus d'une heure et demie, le cinéaste Martin Witz
retrace le destin de Monsieur Migros. Grâce à de nombreuses images
d'archives, il brosse un fidèle tableau de la Suisse des années 20
au début des années 60.
Le public helvétique devrait réserver un bon accueil au
documentaire. L'été dernier, lors de la présentation du film au
Festival de Locarno, l'engouement suscité par le film obligea les
organisateurs à le projeter à trois reprises.
Success story à la suisse
Tout commence avec 5 camions chargés de sucre, pâtes, café, riz,
savon et graisse de noix de coco. Ils sillonnent les campagnes
suisses, vendant leurs produits jusqu'à 40% moins chère que les
autres distributeurs. Le succès ne se fait guère attendre,
suscitant rapidement la grogne des épiciers de villages, agacés par
les méthodes innovantes de ce Zurichois.
Irrésistible ascension
De 5 camions, la Migros passe à 16 engins en 1926. Le premier
magasin ouvre à Zurich l'année suivante. Au même moment débute la
production d'articles maison: Eimalzin, chocolat, margarine, etc...
Si certains distributeurs refusent de vendre les marchandises au
trublion, lui s'en amuse, affirmant même qu' "en stoppant leurs
livraisons, ils ont contribué à l'essor de Migros".
En 1941, chaque client se voit proposer d'acquérir une part de
l'entreprise, pour 30 francs. Enorme polémique et succès sans
précédent. Conscient de l'importance de l'image de l'entreprise
auprès des consommateurs, il lance le journal Tat, puis
Brückenbauer (alias Construire, devenu Migros Magazine).
Touche à tout de génie
La politique lui tend alors les bras. Il fonde le Mouvement des
indépendants qui décroche d'emblée 7 sièges à Berne. Puis investit
dans le cinéma avec réussite: le film "Marie-Louise" qu'il finance
obtient en 1950 l'Oscar du meilleur scénario original.
Parallèlement à ses "hobbies", son entreprise continue de se
diversifier avec les cours de l'Ecole-club Migros, Hotelplan que
Gottlieb Duttweiler lance pour permettre à tous de partir en
vacances et enfin le Pour-cent culturel et social en 1957.
Très habile en affaire, l'homme se révèle, au fur et à mesure du
film de Martin Witz, un redoutable stratège au "tempérament de
dictateur" selon le distributeur de l'oeuvre. Pour preuve, en 1948,
exaspéré par la lenteur parlementaire, il lance des pierres à
travers une vitre du Palais fédéral.
gt (source: Le Matin Dimanche du 4 mai 2008)
Éléments biographiques
Né le 15 août 1888 à Zurich, il réalise un apprentissage de commerce auprès de la société Pfister & Sigg, magasin de denrées coloniales.
Lors d'un voyage aux Etats-Unis, il découvre le concept de supermarché en self-service. En 1926, il est le premier à ouvrir un magasin de ce type à Zurich.
Travailleur acharné et homme d'affaires visionnaire, il fait de la Migros le premier distributeur de Suisse.
Il diversifie son activité en lançant Hotelplan (voyages), Migrol (essence), le journal Die Tat (aujourd'hui Migros Magazine) et l'Ecole-club Migros (formation pour adultes).
Le Zurichois occupe à trois reprises, entre 1935 et 1962, un siège de conseiller national au sein de l'Alliance des indépendants, parti centriste qu'il a créé.
Marié à Adèle, sans enfant, il décède le 8 juin 1962 à Rüschlikon (ZH).