Avec "Freddy Buache, passeur du 7e art" dévoilé jeudi à Locarno,
le réalisateur Michel Van Zele parle d'un temps dont les moins de
50 ans n'ont pas idée. A l'époque, la télévision n'existe pas, voir
un film est chose assez rare, en faire encore plus rare. En outre,
certaines oeuvres sont interdites par la censure.
Ce documentaire de télévision sur Freddy Buache ( voir son interview sur le blog TSR) évoque les temps
héroïques de la Cinémathèque suisse. Il esquisse un portrait
attachant de son ancien patron et donne la parole notamment aux
cinéastes Alain Tanner et Jean-Luc Godard ainsi qu'à l'écrivain
Jacques Chessex.
Pour les 60 ans de la cinémathèque
"Ce film a été fait non pas à ma gloire mais parce que la
Cinémathèque suisse aura bientôt 60 ans", raconte Freddy Buache,
rencontré par l'ATS. "Elle a été créée le 3 novembre 1948, après
celles de Stockholm, Berlin, Paris ou New York. Cela s'est fait
dans des conditions très compliquées, il n'y avait pas
d'argent..."
Au départ, il y a eu les Archives cinématographiques suisses,
inaugurées à Bâle en 1943. Cinq ans plus tard, Bâle coupe son
subside. Deux animateurs du ciné-club de Lausanne proposent alors
de transférer ces archives sur les bords du Léman, provoquant donc
la création de la cinémathèque. Freddy Buache fut le deuxième
directeur de l'institution.
Entre 1951 et 1996, cet homme de culture fait de la cinémathèque
l'une des plus importantes au monde. Il ouvre les yeux de maints
spectateurs, les guidant dans le dédale de l'histoire du cinéma. Il
publie aussi de nombreux livres. "Durant toutes ces années, mon
premier travail a été de sauver les films, surtout les films
suisses! Ce travail n'avait qu'un intérêt mineur car je n'ai pas
l'esprit d'un collectionneur. Ce qui m'importait c'était de pouvoir
les montrer."
Tanner et de Godard saluent Buache
Autrefois, les copies de films étaient vendues aux
distributeurs, rappelle Freddy Buache. "Au terme de l'exploitation
en salles, ces copies étaient systématiquement détruites. Il
fallait les sauver, c'était indispensable. A cette époque le cinéma
n'était pas considéré comme un art en Suisse."
Alain Tanner salue cette obstination et ce courage: "il a fait un
travail de pionnier, seul contre tout le monde". Jean-Luc Godard
souligne qu'à l'époque, "la cinémathèque c'était l'avenir.
Maintenant c'est le passé... Dans les années 50, on ne faisait pas
de différence entre les films d'hier et d'aujourd'hui."
ats/hof
Une lacune comblée
Construit de façon chronologique, le documentaire montre Freddy Buache à Villars-Mendraz (VD), village de son enfance.
La grange où vers l'âge de cinq ans il assiste à sa première projection est encore là. Il se souvient parfaitement de cette séance initiale.
Bien plus tard, en automne 1945, il rencontre Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française de passage à Lausanne. Une rencontre décisive.
En 1996, Freddy Buache quitte la Cinémathèque suisse alors endettée. Une épreuve difficile.
"Il n'y avait pas d'argent alors j'en ai emprunté pour construire le centre d'archivage de Penthaz. Oui, il y avait des dettes, mais aussi 50'000 films. Je suis parti de rien et je leur ai amené Penthaz".
Cette caverne d'Ali Baba du 7e art a été édifiée sans l'appui des pouvoirs publics.
"Je suis assez content du film. Oh, pas tellement pour sa qualité générale", s'amuse Freddy Buache, "mais parce que je me suis rendu compte que les gens ignoraient complètement ce qu'était la cinémathèque au début". Voici une lacune comblée.