Perçu comme un républicain ultra-conservateur et digne héritier de l'Amérique de Reagan des années 1980, Arnold Schwarzenegger semble désormais incarner un esprit fédérateur et centriste, chantre de la démocratie, de la morale et des valeurs de tolérance. Il a publié une vidéo où on le voit se fendre d'un appel à l'unification des camps démocrates et républicains, critiquer Donald Trump, évoquer son enfance en Autriche et comparer l'attaque du Capitole à la nuit de Cristal, cette nuit de pogrom contre les Juifs en 1938.
Un témoignage sincère, voire intime, comme un gouffre entre l'image véhiculée par la star dans ses films d'action et ses actions en politique comme membre du Parti républicain.
Dans une séquence digne de ses films d'action plein de testostérone, l'acteur dégaine alors l'épée qu'il arborait dans le film "Conan le Barbare" en déclarant: "Notre démocratie est comme l'acier de cette épée. Plus elle est frappée, plus elle devient forte".
Républicain modéré
Jérôme Momcilovic, auteur de l'essai "Prodiges d'Arnold Schwarzenegger" (Ed. Capricci), n'a pas du tout été étonné par la vidéo postée par la star. "On oublie souvent qu'il a toujours été un républicain plutôt mesuré. Lors de son mandat de gouverneur de Californie, ce qui a été retenu et ce qu'on lui a reproché par ailleurs est le fait d'avoir freiné la possibilité du mariage gay. On sait toutefois qu'il était plutôt favorable à cette idée, mais que le Parti républicain l'a retenu", explique-t-il.
C'est aussi un politicien qui a plutôt reçu une "éducation" démocrate, grâce à sa femme, la journaliste américaine Maria Shriver, fille d'Eunice Kennedy et sœur de JFK.
Cinéma et politique, même combat
Son entrée en politique s'inscrit dans une forme de continuité de sa carrière à Hollywood. Très sincèrement, très naïvement même, cinéma et politique étaient la même chose pour l'acteur. "Faire la promotion de ses films ou mener une campagne pour son élection, c'était pareil, il l'a dit lui-même", relève Jérôme Momcilovic.
Arnold Schwarzenegger est quelqu'un qui a parfaitement bien intégré la notion de politique-spectacle.
Son action politique s'est inscrite dans une mythologie d'immigré: rendre à l'Amérique ce que l'Amérique lui a donné. "On l'a sous-estimé, l'imaginant plus cynique qu'il ne l'était et en ne voyant que calcul et soif de pouvoir", rajoute-t-il.
L'essayiste estime que la vision de Schwarzenegger sur le populisme tient plutôt d'un idéalisme démocratique qui consiste à voir une continuité mythique dans l'histoire de l'Amérique (être à la hauteur des Pères fondateurs) et rejouer constamment la fiction de la démocratie américaine, dont l'acteur est la parabole ultime.
Le président américain Donald Trump marque, lui, une vraie rupture puisque pour la première fois dans l'histoire de ce pays, un homme politique dit, en filigrane, "je ne dois rien à cette histoire-là".
Emotion et vérité
"Aujourd'hui, on voit pointer pour la première fois des touches de vérité. Ce qui était totalement étranger à l'oeuvre, à la carrière et même à la vie de Schwarzenegger", explique l'essayiste.
Il a été toute sa vie une fiction. Même en tant que gouverneur, il ressemblait à un personnage de fiction. Mais dans cette vidéo, c'est peut-être la première fois que la star s'autorise la possibilité d'être un homme ordinaire.
Sujet radio: Rafael Wolf
Adaptation web : Miruna Coca-Cozma