"The Hill We Climb"... Une colline gravie faisant référence à la colline du Capitole, où des partisans de Donald Trump ont envahi le siège du Congrès le 6 janvier.
Ce texte (voir la traduction en encadré), Amanda Gorman l'avait commencé avant cet événement et l'a fini d'une traite après l'assaut meurtrier. Il évoque "une forêt qui briserait notre Nation, plutôt que la partager". "Cet effort a presque réussi / mais si la démocratie peut-être par instants retardée, elle ne peut pas être définitivement supprimée".
D'une voix calme, elle a scandé ses rimes, en les accompagnant de mouvements graciles, ne laissant pas percer le problème de langage qui l'affectait dans son enfance. Un problème de prononciation, la parole empêchée, comme pour Joe Biden qui, enfant, souffrait d'un bégaiement. Cette différence a poussé la jeune Californienne à écrire, pour compenser.
A 22 ans, Amanda Gorman est la plus jeune poétesse dans l'Histoire des États-Unis à avoir été choisie pour marquer l'investiture d'un président; c'est John Fitzgerald Kennedy qui a initié cette pratique en 1961. A travers une performance époustouflante, elle a offert une vision pleine d'espoir à un pays profondément divisé, s'exprimant deux semaines à peine après que des drapeaux confédérés, des bombes artisanales et un nœud coulant ont surgi sur la colline du Capitole. La poétesse a proclamé que les Américains pouvaient s'élever au-dessus de la haine.
Hillary Clinton s'est fendue d'un tweet pour dire son admiration: "Le poème d'Amanda Gorman n'était-il pas éblouissant? Elle a promis de se présenter pour la présidentielle de 2036 et, pour ma part, je ne peux attendre", a-t-elle écrit.
Quant à Barack Obama, citant la conclusion-même du texte d'Amanda Gorman, il a souligné que "des jeunes gens comme elle sont une preuve 'qu'il y a toujours de la lumière, si seulement nous sommes suffisamment brave pour la voir; si seulement nous sommes suffisamment brave pour l'être'."
Une œuvre engagée
Son œuvre traite de thèmes tels que la justice sociale, l'oppression, le féminisme, l'ethnie, la marginalisation et la diaspora africaine. A l'âge de 17 ans, Amanda Gorman publie un recueil de poèmes titré "The One for Whom Food Is Not Enough" – en français, "La personne pour laquelle la nourriture ne suffit pas".
En 2017, elle est la première personne à remporter le Prix national de Poésie de la Jeunesse, the National Youth Poet Laureate. Elle a obtenu un diplôme en sociologie cum laude à l'Université d'Harvard.
Mercredi, Amanda Gorman a rejoint les rangs des autres hommes et femmes de poésie qui l'ont précédée, comme Robert Frost, à l'investiture de John F. Kennedy en 1961, Maya Angelou, à celle de Bill Clinton en 1993, et Elizabeth Alexander, pour Barack Obama en 2009.
Après la cérémonie, la jeune femme a rendu hommage sur Twitter à ses prédécesseuses: "Je ne serais nulle part sans les empreintes de pas des femmes dans lesquels je danse. Aux femmes qui ont déjà escaladé mes collines". Elle a expliqué porter une bague, offerte par Oprah Winfrey, symbolisant Maya Angelou. Un bijou à la forme d'un oiseau dans une cage.
Des mots d'espoir salués
"Une maigre jeune fille noire, descendante d'esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président. Et oui, nous sommes loin d'être lisses, loin d'être immaculés, mais cela ne veut pas dire que nous nous efforçons de former une union parfaite. Nous nous efforçons de forger notre union avec détermination, de composer un pays qui s'engage à respecter toutes les cultures, les couleurs, les caractères et les conditions de l'être humain". Des mots d'espoir qui résonneront longtemps sur les marches du Capitole.
Des mots forts salués par des critiques enthousiastes affluant de tout le pays, en provenance de tout le spectre politique.
Joe Biden désire rassembler le peuple américain; en invitant Amanda Gorman, il a déjà réussi à l'unir autour de la poétesse.
Stéphanie Jaquet et les agences
Traduction du texte d'Amanda Gorman, "The Hill We Climb"
Le jour vient où nous nous demandons où pouvons-nous trouver la lumière dans cette ombre sans fin? La défaite que nous portons, une mer dans laquelle nous devons patauger. Nous avons bravé le ventre de la bête. Nous avons appris que le calme n'est pas toujours la paix. Dans les normes et les notions de ce qui est juste n'est pas toujours la justice.
Et pourtant, l'aube est à nous avant que nous le sachions. D'une manière ou d'une autre, nous continuons. D'une manière ou d'une autre, nous avons surmonté et été les témoins d’une nation qui n'est pas brisée, mais simplement inachevée. Nous, les successeurs d'un pays et d'une époque où une maigre jeune fille noire, descendante d'esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président.
Et oui, nous sommes loin d'être lisses, loin d'être immaculés, mais cela ne veut pas dire que nous nous efforçons de former une union parfaite. Nous nous efforçons de forger notre union avec détermination, de composer un pays qui s'engage à respecter toutes les cultures, les couleurs, les caractères et les conditions de l'être humain.
Ainsi, nous ne regardons pas ce qui se trouve entre nous, mais ce qui se trouve devant nous. Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout, nous devons d'abord mettre nos différences de côté. Nous déposons nos armes pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres. Nous ne cherchons le mal pour personne mais l'harmonie pour tous. Que le monde entier, au moins, dise que c'est vrai. Que même si nous avons fait notre deuil, nous avons grandi. Que même si nous avons souffert, nous avons espéré; que même si nous nous sommes fatigués, nous avons essayé; que nous serons liés à tout jamais, victorieux. Non pas parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite, mais parce que nous ne sèmerons plus jamais la division.
L'Écriture nous dit d'imaginer que chacun s'assoira sous sa propre vigne et son propre figuier, et que personne ne l'effraiera. Si nous voulons être à la hauteur de notre époque, la victoire ne passera pas par la lame, mais par tous les ponts que nous avons construits. C'est la promesse de la clairière, la colline que nous gravissons si seulement nous l'osons. Car être Américain est plus qu'une fierté dont nous héritons; c'est le passé dans lequel nous mettons les pieds et la façon dont nous le réparons. Nous avons vu une forêt qui briserait notre nation au lieu de la partager, qui détruirait notre pays si cela pouvait retarder la démocratie. Et cet effort a presque failli réussir.
Mais si la démocratie peut être périodiquement retardée, elle ne peut jamais être définitivement supprimée. Dans cette vérité, dans cette foi, nous avons confiance, car si nous avons les yeux tournés vers l'avenir, l'histoire a ses yeux sur nous. C'est l'ère de la juste rédemption. Nous la craignions à ses débuts. Nous ne nous sentions pas prêts à être les héritiers d'une heure aussi terrifiante, mais en elle, nous avons trouvé le pouvoir d'écrire un nouveau chapitre, de nous offrir l'espoir et le rire.
Ainsi, alors qu'une fois nous avons demandé: "Comment pouvons-nous vaincre la catastrophe?" Maintenant, nous affirmons: "Comment la catastrophe pourrait-elle prévaloir sur nous?"
Nous ne reviendrons pas à ce qui était, mais nous irons vers ce qui sera: un pays meurtri, mais entier; bienveillant, mais audacieux; féroce et libre. Nous ne serons pas détournés, ni ne serons interrompus par des intimidations, car nous savons que notre inaction et notre inertie seront l'héritage de la prochaine génération. Nos bévues deviennent leur fardeau. Mais une chose est sûre, si nous fusionnons la miséricorde avec la force, et la force avec le droit, alors l'amour devient notre héritage, et change le droit de naissance de nos enfants.
Alors, laissons derrière nous un pays meilleur que celui qui nous a été laissé. À chaque souffle de ma poitrine de bronze, nous ferons de ce monde blessé un monde merveilleux. Nous nous élèverons des collines de l'Ouest aux contours dorés. Nous nous élèverons du Nord-Est balayé par les vents où nos ancêtres ont réalisé leur première révolution. Nous nous élèverons des villes bordées de lacs des États du Midwest. Nous nous élèverons du Sud, baigné par le soleil. Nous reconstruirons, réconcilierons et récupérerons dans chaque recoin connu de notre nation, dans chaque coin appelé notre pays; notre peuple diversifié et beau en sortira meurtri et beau.
Quand le jour viendra, nous sortirons de l'ombre, enflammés et sans peur. L'aube nouvelle s'épanouit alors que nous la libérons. Car il y a toujours de la lumière. Si seulement nous sommes assez braves pour la voir. Si seulement nous sommes assez braves pour l'être.