Le roi Jor-El, seigneur de la planète Krypton, croyait en la
bonté des hommes. Et, comme nous le rappelle la NZZ , Krypton était sur le point de
disparaître. C'est ainsi que le roi nous a envoyé son fils, Kal-El,
plus connu sous le nom de Superman. Voici que le plus célèbre héros
de bande dessinée débarque à Smallville, USA.
La nouvelle se répand en juin 1938 lorsque paraît le premier album
des aventures de Superman. Mais derrière cette allégorie du rêve
américain se trouve deux jeunes Juifs fans de science-fiction :
Jerry Siegel et Joe Shuster. De Kal-El ("Dieu est partout" en
hébreu), le héros se transforme en Clark Kent, journaliste pour le
"Daily Planet".
Héros de son temps
Pour les créateurs, le succès est immense. Ils écoulent en 1939
plus d'un million d'exemplaires, une émission de radio démarre
l'année suivante et le premier dessin animé débarque sur les écrans
de cinéma en 1941.
Pourtant, c'est bien la société américaine d'entre-deux guerres
qu'esquissent les aventures de Superman. Le pays sort d'une crise
économique dévastatrice. L'Europe, quant à elle, est parcourue
d'inquiétants soubresauts politiques.
Dans ce contexte incertain, le personnage du super héros rassure
ses lecteurs, principalement de jeunes hommes. Timide et gauche à
la ville, il devient invincible dès qu'il revêt sa cape rouge et
ses collants. "Pour le lecteur moyen, il incarne l'espoir de
dépasser la médiocrité apparente", analyse l'écrivain Umberto
Eco.
Ces adolescents qui se rêvent surpuissants partent quelques années
plus tard au front. Pour combattre le mal hitlérien, parfois
jusqu'à la mort. Et, tel Superman ôtant son costume, ils reviennent
à la vie civile, remplis de leurs exploits mais invisibles dans
leurs costumes trois-pièces.
Juste un logo
Mais Superman vieillit mal. Après avoir combattu des espions
nazis pour Roosevelt et des agents soviétiques pour Reagan, la
figure légendaire ne trouve pas de second souffle. Car son
invincibilité fait de lui "un héros sans ennemi à sa mesure, donc
sans possibilité d'évolution", explique Umberto Eco. Le héros a été
rangé au rang des logos.
Swisstxt/ma
Forces et faiblesses
A 70 ans, Superman garde fière allure: 1m90, 102 kilos et un regard bleu azur.
Il conserve aussi son entrain grâce à son invulnérabilité, sa capacité de voler, la thermo-vision et une super-mémoire.
Mais il reste vulnérable à la kryptonite, fragment de la planète Krypton malheureusement arrivé avec lui sur Terre. Il est aussi déprimé le jour de son anniversaire kryptonien, soit tous les six ans.
Pourtant, son plus grand faible demeure Lois Lane, sa charmante consoeur journaliste.
Ventes en recul
Dans une thèse présentée l'an dernier à l'université de Géorgie, Aaron Pevey, spécialiste du genre, soutient que Superman perd de sa popularité auprès des jeunes parce qu'il est invulnérable.
"Même si Superman a réussi à être un héros moderne, il échoue en tant que héros postmoderne", estime Aaron Pevey, qui note une érosion des ventes ces dernières années du titre édité par DC Comics.
Les adolescents, dit-il, sont aujourd'hui attirés par des héros plus obscurs, ou au moins ambivalents comme Batman, Spiderman, ou Wolverine.