En 2020, les autorisation de réouverture des lieux culturels étaient limitées à des jauges fixes: 50, puis 100, 300, 1000 personnes. Aujourd'hui, le Netzwerk Kulturpolitik Basel, un réseau de 19 institutions culturelles, veut changer la donne, en tenant compte des caractéristiques de ces lieux.
Pour Thomas Keller, directeur de la Kaserne, un centre qui accueille des arts vivants contemporains, "on peut ouvrir à plus de personnes, dans une salle plus spacieuse grâce à ce modèle. Parce qu'il tient compte de la ventilation et du volume de la salle".
Elaboré avec un hygiéniste du travail, Thomas Eiche, ce "concept de reprise des spectacles" a calculé que même en présence d’un super-propagateur, qui aurait contracté un des nouveaux variants, la probabilité d'infection est quasi nulle. Pour autant que chaque spectateur assis dispose de 4 mètres carrés de surface ou que la ventilation assure un renouvellement de l'air de 40 mètres cubes par heure et par personne.
Caractéristiques des salles prises en compte
Pour définir le nombre de personnes admises au spectacle, on part donc des caractéristiques de la salle et on oublie les pourcentages, comme 30 ou 50% de la jauge. Durant la première étape, les salles pourraient ainsi accueillir 50 personnes au minimum, mais jusqu'à 567 par exemple pour le Stadtcasino de Bâle. Ensuite, le modèle prévoit une augmentation par paliers.
Ce modèle conserve les autres précautions sanitaires déjà en usage avant la fermeture: port du masque obligatoire, traçage, obligation de rester assis, avec un siège vide entre chaque groupe constitué, et si nécessaire, des entrées et sorties échelonnées, pour éviter qu'il y ait trop de monde à la fois dans les transports publics.
Présenté au Département Fédéral de l’Intérieur d'Alain Berset le 25 janvier, le concept a rencontré des signaux positifs et le canton de Bâle soutient la démarche.
Lettre ouverte de 19 musées
Toujours à Bâle, et quasi au même moment, 19 musées ont demandé une réouverture de leurs portes dès que possible. Une initiative soutenue par l'association des Musées suisses, qui réclame elle aussi des mesures basées sur l'espace.
Sa présidente Isabelle Raboud Schüle souhaite "que les mesures ne soient plus à chipoter sur le type d’activité, parce que finalement pourquoi une librairie plutôt qu’une papeterie, une escape room plus ou moins qu’un musée, un magasin de meubles et pas un musée, enfin tout ce genre de choses qui finit par devenir absurde. Ce qu’on aimerait, c’est qu’il y ait des mesures claires, qui soient des mesures spatiales. Vous pouvez accueillir tant de personnes par mètre carré, ou par mètre cube d’air, et après chacun s’organise pour faire ça".
Les musées qui font aussi valoir que dans leurs murs, la présence de gardiens permet déjà d'assurer le respect des distances sociales.
Tradition culturelle bâloise
On peut se demander pourquoi ces deux initiatives récentes en faveur de la réouverture partent de Bâle. Josef Helfenstein, directeur du Kunstmuseum, en trouve les racines dans la tradition culturelle bâloise, vieille de cinq siècles: la ville a vu naître la première université de Suisse, le premier musée public du monde, bien avant le British Museum et 140 ans avant que le Louvre devienne un musée.
Co-directrice des Affaires culturelles du canton, Sonja Kuhn relève la force des réseaux, très actifs, et la densité des échanges entre les institutions bâloises. Une qualité renforcée par la pandémie. Pour le patron du Kunstmuseum, "c'est fascinant comme ce virus qui nous sépare... nous réunit aussi".
Et la Suisse romande?
Les Bâlois ne font pas cavaliers seuls: leur projet a été traduit et envoyé dans d'autres institutions culturelles cantonales. La FRAS, la Fédération Romande des Arts de la Scène, se réjouit qu’un tel modèle, qui ne part pas de chiffres abstraits mais de la réalité des salles, existe et permette d'avancer. Même si les jauges potentielles durant la première étape restent relativement basses pour les grands salles. A Genève, les musées genevois se sont par ailleurs associés à l’appel de Bâle vendredi dernier pour demander la réouverture de leurs portes dès le 1er mars malgré la pandémie. L’art et la culture sont essentiels pour la santé mentale et physique, ont-ils notamment argués.
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Des pronostics pour la réouverture
Les plus positifs pensent qu'un modèle commun, étayé par des recherches scientifiques, comme celui de Bâle, permettra de réouvrir dès la mi-mars. D'autres pensent que ce sera plutôt, à l'image de l'Allemagne, après Pâques. Ou alors une réouverture par étape, comme en Autriche: d'abord les musées avec les magasins, puis théâtres et salles de concert, en même temps que les restaurants.
Sylvie Lambelet/olhor