"Leur travail, qui répond aux urgences climatiques et écologiques de notre temps autant qu'à ses urgences sociales, en particulier dans le domaine du logement urbain, redonne de la vigueur aux espoirs et aux rêves modernistes d'amélioration de la vie du plus grand nombre", a estimé le jury de ce prix fondé en 1979 et doté de 100'000 dollars.
Le duo d'architectes parisiens, déjà récompensé en France par le Grand Prix national d'architecture en 2008, s'est fait connaître avec la "maison Latapie", maison individuelle réalisée en 1993 pour une famille de deux enfants, dans une rue banale de Floirac, tout près de Bordeaux, devenue emblématique d'un logement à la fois spacieux, autonome et bon marché.
Loin du traditionnel pavillon de banlieue, l'arrière de la maison a des allures de hangar: des panneaux de polycarbonate, escamotables et transparents, baignent le logement de lumière naturelle, agrandissant les espaces communs intérieurs et facilitant la maîtrise du climat. C'est avec ce projet que les lauréats ont appliqué pour la première fois les technologies de serre à l'installation d'un jardin d'hiver de 60 mètres carrés, qui devait devenir l'espace le plus utilisé de la maison.
Le couple, qui s'est rencontré à l'école d'architecture de Bordeaux, est aussi récompensé pour avoir "redéfini la profession d'architecte", en privilégiant la transformation et l'amélioration de logements existants en milieu urbain, au détriment du neuf.
Reconstruire avec l'existant au lieu de démolir
Là où d'autres rêvent de faire table rase, dynamitant des grands ensembles jugés vétustes, eux voudraient convaincre d'"arrêter de démolir", a expliqué Jean-Philippe Vassal.
"C'est tellement violent, tellement affreux d'habiter quelque part depuis dix ans et soudain de voir disparaître un logement dans lequel un ami, un voisin a existé, dit-il. Alors qu'on peut garder les gens là, et à partir de l'existant, produire des logements que le standard est incapable de produire au même niveau de qualité, en dépensant deux fois moins d'argent."
Un principe que le duo a appliqué en 2011 à la Tour Bois Le Prêtre, ensemble de quelque 100 logements construit au début des années 1960, dans le 17e arrondissement de Paris.
Face aux promoteurs qui visent à capitaliser sur la flambée des prix du mètre carré, "on essaie de défendre cette idée que l'espace est aussi un facteur de qualité de vie, de paix sociale à l'intérieur des familles ou avec ses voisins", avance Anne Lacaton. La pandémie est venue ainsi conforter leur démarche. "L'année passée a montré notre extrême fragilité. Ça encourage à se dire que l'espace doit être beaucoup plus accueillant."
ats/iar
Un prix plus féminin
Avec Anne Lacaton, le jury du Pritzker inscrit une sixième femme à un palmarès longtemps exclusivement masculin.
L'Anglo-Irakienne Zaha Hadid a été la première lauréate en 2004, suivie par la Japonaise Kazuyo Sejima, co-lauréate en 2010, l'Espagnole Carme Pigem, co-lauréate en 2017, et les Irlandaises Yvonne Farrell et Shelley McNamara en 2020.
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Seuls trois Suisses ont remporté le prix Pritzker: Peter Zumthor en 2009 et le duo composé par Jacques Herzog et Pierre de Meuron en 2001.