Depuis l’apparition de la pandémie, le besoin de représentation du virus est important. D’abord en images avec cette sphère grise tachetée de points orangés et rouges. Et ensuite en musique, grâce au procédé de sonification qui transforme des données scientifiques en notes musicales.
Le data journaliste Simon Huwiler a traduit en musique, dans une vidéo, le nombre de victimes suisses lors de la première et deuxième vague. Il a choisi la douceur d'une boîte à musique qui fonctionne sur le principe d’un orgue de Barbarie, avec un carton perforé: chaque trou déclenche une note, toujours la même, pour représenter les jours qui passent.
S'ajoute ensuite une deuxième ligne musicale qui incarne le nombre de victimes. Plus on monte dans les aigus, plus le nombre est important.
Sentir le temps qui passe
L’effet de la vidéo est saisissant car on visualise indirectement la durée de la pandémie. Les chiffres froids des statistiques de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) prennent une toute autre dimension.
Musicalement, la représentation de la première vague est plus harmonieuse que la deuxième, plus mortifère.
Sentir l'émotion du deuil
Pour Simon Huwiler, qui est aussi musicien, il était important de visualiser ces chiffres parce qu'il n'arrivait plus à saisir la souffrance causée par le virus. "Je pense que c’est à cause du manque d’images. On ne voit pas les gens. Ce n’est pas comme si nous étions en période de guerre, pour voir concrètement la destruction, les morts, du sang, de la fumée. Cela se passe dans nos hôpitaux où tout est propre. Il n'y a pas d'images de cercueils", explique-t-il.
Le choix de la boîte à musique n'est pas anodin. "C’est un instrument très naïf, très enfantin, que l’on utilise pour endormir les enfants", dit-il. Souffrance et boîte à musique créent ainsi un clash émotionnel.
La sonification pour comprendre
L'approche du journaliste suisse est différente de celle utilisée par les chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) qui ont mis en musique la structure des protéines présentes à la surface du coronavirus, réalisée au début de la crise sanitaire.
La démarche était purement scientifique, pour comprendre le fonctionnement du virus et pour trouver un vaccin. C’est chose faite entre temps.
Aujourd’hui, après une année de pandémie, notre besoin de représenter le virus est toujours présent.
Cette mise en musique du nombre de victimes suisses est à ce titre exemplaire de notre besoin de comprendre, sentir, vibrer, entendre le deuil, la disparition, que le virus a invisibilisé, tué d’une certaine manière avec la distanciation et le confinement.
Miruna Coca-Cozma/mcm