Du tatouage au musée? Presque. Ici, au Musée Tinguely, pas de crépitement de machine à tatouer, pas de salon ouvert à la clientèle, pas de photographies de dos et autres bras couverts de dragons ou de têtes de mort.
Japon, Goa, Ibiza, Afrique du Nord
Mais alors quoi? Imaginez plutôt un voyage dans univers assez cosmique. Un trip dans le monde secret des Leu, une famille d’artistes et tatoueurs qui a sillonné les continents des années 60 à aujourd’hui. Japon, Etats-Unis, Afrique du Nord, Goa, Ibiza… L’histoire de la famille Leu, au-delà du tatouage, c’est un esprit voyageur: hippie, beatnik, compagnon, traveller, saltimbanque, appelez-le comme vous voulez. Le voyage, le grand vagabondage, a débuté avec Felix et Loretta, dessinant et tatouant au gré de leurs pérégrinations, travaillant parfois pour Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle.
Tatouage et psychédélisme
Leurs enfants sont nés en route, portés par le même esprit, quand bien
même elles et ils sont désormais plus sédentaires.
Les voici à leur tour
connus et reconnus dans leurs domaines: le tatouage pour Filip et sa compagne Titine, la techno et un certain esprit psychédélique pour Ajja et Tanya, la mode et l’art pour Ama et son compagnon Doug, le croquis, la peinture et le chanvre pour Aya et Steve…
Un cabinet des curiosités
A voyager, s’imprégner du monde, les Leu ont créé un univers qui leur ressemble, qu’il soit couché sur le papier, peint sur une toile ou encré dans la peau. Le Musée Tinguely leurs a ouvert deux espaces, aménagé par le curateur et anarchitecte Christian Jelk, à la fois ami et ambassadeur des Leu, qu’il a dans la peau.
Un parfum de LSD
Une première salle tient du mausolée des rêves et cauchemars nappé de techno planante. Une seconde tient du cabinet de curiosités par son foisonnement, et sa richesse semble embrasser toutes les esthétiques planétaires pour mieux faire émerger une sensibilité unique, singulière. Des tableaux explosent de couleurs, des dessins à crayonner ou encrer sont d’une noirceur absolue, des toiles ont un parfum de LSD ou une rugosité digne de l’art brut. Il y a même quelques sculptures qui ne sont pas sans lien avec Tinguely.
En visitant ces deux salles consacrées aux Leu, on a l’impression d’entrer dans l’intimité et l'inconscient d’une dynastie. Et c’est la rétine éclatée que l’on sort de cet espace pour retrouver la collection des machines à Tinguely.
Thierry Sartoretti/mcm
"Leu Art Family. Caresser la peau du ciel", Musée Tinguely, Bâle, jusqu’au 31 octobre.