Depuis quelques mois, une petite révolution est en train de s’opérer dans le milieu de l’art contemporain qui voit les prix des oeuvres numériques s'envoler pour des dizaines de millions de dollars. Le 11 mars 2021, chez Christie's, la pièce d'art "Everyday : The First 5000 days", réalisée par l’artiste américain Beeple (de son vrai nom Mike Winkleman), a été adjugée pour le montant record de 70 millions de dollars.
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L'artiste américain est ainsi entré dans le top 3 des artistes vivants les plus chers du monde, derrière David Hockney et Jeff Koons. La maison Sotheby’s a, elle aussi, mis en vente en quantité illimitée des "cubes" créés par l'artiste Pak. Plus de 3000 collectionneurs ont acheté au moins un cube pour un total de 16,8 millions de dollars.
Le marché des NFT génère quotidiennement plus de 10 millions de dollars de transactions sur des plateformes numériques comme OpenSea ou SuperRare, sorte de galeries virtuelles ou des artistes numériques mettent en vente leurs œuvres. Le site NonFungible.com précise qu'au premier trimestre 2021, plus de deux milliards de dollars ont changé de mains.
Les jetons de la gloire
Un NFT est un "non-fungible token", un "jeton non fongible" en français. Ce certificat d'authenticité associé à un objet digital ou physique est stocké dans la blockchain, système de suivi des transactions, ce qui le rend unique. Les NFT créent de la rareté sur des objets numériques qui peuvent être consultés librement sur internet ou dupliqués à des milliards d'exemplaires.
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Le cofondateur et PDG de Twitter, Jack Dorsey, a vendu une version authentifiée de son premier tweet pour près de 3 millions de dollars. Il n’y a qu’une personne qui possède le NFT de ce tweet. Par contre le tweet lui-même, tout le monde y a accès, on le voit, on peut le retweeter. Alors, que possède-t-on si l'oeuvre est accessible à toutes et tous et en tout temps ?
Paroxysme de la propriété
Pour Albertine Meunier, artiste numérique et elle-même collectionneuse, les NFT incarnent la notion de bien commun: on devient propriétaire de quelque chose que tout le monde possède. "À la fois, l'image reste disponible et tout le monde peut l'avoir, tout le monde peut en profiter et, à l'opposé, on est dans le capitalisme et dans le paroxysme de la propriété. Vous êtes propriétaire de la propriété", explique-t-elle à la RTS.
Avec les NFT on est dans le capitalisme, dans le paroxysme de la propriété. Vous êtes propriétaire de la propriété.
Pour l'artiste numérique française le socle de la blockchain permet une transparence. "Si vous voulez voir ma collection, vous allez sur [la plateforme] OpenSea, vous tapez mon nom, et vous pouvez voir ma collection", dit Albertine Meunier. "Je peux aussi afficher sur mon compte l'oeuvre de Beeple, mais ça aura figure de poster. C'est comme avoir un vrai Picasso ou un poster de Picasso", rajoute-t-elle.
Un monde pour les geeks?
Le concept des NFT est difficile à expliquer. Le grand public semble être exclu de toute cette nouvelle vague artistique, car il n'a pas forcément les compétences techniques, ni même l'idée qu’elle existe. Mais la vague des NFT aura eu le mérite de susciter un intérêt pour un monde de niche, celui des artistes numériques qui, pour certaines et certains, deviennent de véritables stars de l'art contemporain.
Autre avantage, les NFT permettent aux artistes de vivre de leur art parce qu'il existe désormais un modèle économique.
Miruna Coca-Cozma