Sexualisation, invisibilisation, humiliation. Des situations violentes, malheureusement bien connues de beaucoup de femmes, dont DJ Nast et DJ Grise, 26 et 29 ans. C'est la première fois qu'elles parlent ouvertement de ce qu'elles subissent depuis des années.
En tant que femmes, il est difficile d’être prises au sérieux dans le milieu du clubbing. "Quand j’arrive en soirée pour jouer, on pense que je suis la copine du DJ et non pas l’artiste. Quand on se rend compte que je suis l’artiste et qu’on arrive au soundcheck, on m’infantilise en m’expliquant des choses que je connais bien évidemment. Et si la soirée se passe bien, on finit par me demander avec ironie qui j'ai sucé pour être invitée", témoigne DJ Grise.
Si la soirée se passe bien, on me demande souvent qui j'ai sucé pour être invitée
Aujourd’hui co-programmatrices du club genevois La Gravière, les deux DJ se remémorent les paroles crues et sous-entendus sexistes qui fleurissent dans le milieu. "On m’a souvent dit que pour avoir des dates il fallait que je couche ou que je suce… Et que si je refusais on ne me programmerait plus. J’ai aussi souvent été victime et témoin d’attouchements sur d’autres femmes de la part d’hommes qui abusent de leur notoriété ou de leur pouvoir sur la scène", témoigne Nast.
Elle reprend: "Quand je m’énerve, on me dit: tranquille, on fait de la musique… Mais comment rester tranquille quand tu entends constamment des remarques misogynes sur les artistes féminines? Des remarques du style: je l’invite parce que je veux coucher avec elle, je l’invite parce qu’elle est trop bonne... Beaucoup de femmes finissent par jeter l’éponge, car c'est vraiment fatigant."
Depuis quelques années, certains clubs font attention à présenter des programmations mixtes. Un souci d’inclusion parfois retourné contre les femmes. "Quand ça a commencé à marcher pour moi, se souvient Grise, les premières remarques de mes collègues masculins étaient de dire que ça fonctionnait juste parce que j’étais une fille. C'était jamais parce que j'avais du talent."
Un système de pensée qui finit par être intériorisé par les femmes elles-mêmes. "Combien de fois j’ai questionné ma légitimité, s'étonne Grise aujourd'hui. Il m’a fallu beaucoup de temps pour faire de la promo sur les réseaux sociaux, de me réjouir publiquement d’avoir obtenu une date et d’être en confiance pour aller jouer."