Voici maintenant quatre décennies que le Café du Soleil de Saignelégier mêle culture, hôtellerie et gastronomie. C'est en avril 1980 qu'une équipe d'amis se lance dans un projet fou: transformer la vieille bâtisse du Café du Soleil pour en faire un lieu de culture, de rencontres et d'échange d'idées.
Inauguré au solstice d'été du 21 juin, un an après l’entrée en souveraineté du Jura, il était naturel que la culture alternative y trouve sa place dans un centre culturel autogéré qui rayonne au-delà des frontières du canton.
Dans les archives de l'établissement, des documents attestent la volonté de créer un espace qui doit "mettre à la disposition d'un village, d’une région, un espace ouvert où l’analyse critique et la liberté prédominent, la liberté comprise comme une reconquête de l’autonomie de la personne et une contribution ainsi à celle de la région".
Intégré dans le Netzwerk, l'association des établissements autogérés, principalement situés de l'autre côté de la Sarine, le Soleil attire une clientèle séduite par ses objectifs politiques et au fort accent germanique, ce qui n'est pas du tout au goût des riverains.
De la provocation?
L’autogestion, dans les Franches-Montagnes des années 1980, c’était audacieux, voire carrément provocateur. "Il y a même eu des petits malins qui s’étaient amusés à mettre le prix de l’héroïne, du haschich et de la marijuana sur nos affiches", se rappelle Picard, infatigable bénévole du Soleil. "Je crois que les gens avaient peur aussi que ça devienne un lieu un peu infâme, un peu glauque", explique Ruth Wenger, membre fondatrice, dans une archive de la RTS de 2000.
Ce ne fut pas le cas. Peu à peu, le Soleil fait sa place dans la lumière et attire des artistes d’ici ou d’ailleurs. Dès les toutes premières années, les animations du Café du Soleil offrent à ce lieu une forte identité culturelle. Les plus grands artistes, comme le pianiste Mikhail Alperin ou le saxophoniste David S. Ware, ont joué dans le bistrot qui fait désormais partie du patrimoine mondial du jazz. L'estaminet a aussi été un haut-lieu de la chanson francophone, en accueillant Zouc ou Maxime Le Forestier et en organisant le concours La Médaille d'or de la chanson.
Il faut trouver ce que sera la culture demain, il faut être ouvert aux évolutions technologiques et aux évolutions des mentalités.
Grâce à des ateliers de littérature ou de peinture, la fameuse galerie, les Matins classique et une nouvelle salle construite en 2000 pour son vingtième anniversaire, le Soleil continue d'exister et rayonner grâce au bénévolat, sorte de pont entre soutien aux artistes et découvertes à offrir au public.
Quarante ans après, il faut continuer à créer du lien, susciter l’envie, pour attirer les nouvelles générations. Tout en gardant l’esprit canaille des origines.
Sujet TV: Olivier Kurth
Adaptation web: Miruna Coca-Cozma