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Génération Z: pourquoi dit-on tout et son contraire?

La génération Z est née en 1995 et 2010. [Depositphotos - Dmyrto_Z]
Génération Z, pourquoi dit-on tout et son contraire ? / Vertigo / 6 min. / le 20 juillet 2021
Nés après 1995, ils et elles représentent 32 % de la population mondiale. On dit qu'elle est superficielle et autocentrée, mais aussi militante et responsable. Pourquoi dit-on tout et (souvent) n'importe quoi sur la génération Z?

Dès 2025 les jeunes de la génération Z composeront 50% des effectifs des entreprises. Ils et elles les dirigeront, peut-être, dans quinze ou vingt ans. Ces acteurs d'un nouveau monde sont là, et bien là.

On les qualifie d’omniscients, on les dit militants, mais aussi individualistes. On les représente avec un portable à la main, superficiels, c'est dire les clichés et les caricatures dont cette génération est affublée. N'en déplaise aux boomers, ils et elles sont globaux et locaux, raisonnables et incendiaires, solidaires et contestataires. Si cette génération perturbe "le monde d'avant", c'est parce qu'elle refuse les étiquettes ainsi que toute approche susceptible de la mettre dans une case, une seule. Ces "digital addicts" (qui rêvent par ailleurs de relations authentiques) ne sont pas à une contradiction près.

>> Lire aussi : #FreeBritney, un mouvement révélateur d'une génération Z politisée

Génération Z, c'est qui, c'est quoi en fait ?

Aux avant-postes d’un nouveau monde, "c'est la troisième révolution industrielle, axée sur le numérique, qui est à l'origine de la nouvelle génération Z", explique Élodie Gentina et Marie-Ève Delecluse dans "Génération Z, des Z consommateurs aux Z collaborateurs" (Ed. Dunod). Les Z sont des "digital natives" puisqu’ils sont nés et nées avec le numérique, contrairement à la génération précédente, la génération Y, qualifiée de "digital adopters", car elle a dû apprendre les codes du numérique.

Pour l'anthropologue et coach Elisabeth Soulié, nous sommes face à une génération qui "passe son temps à faire des allées et venues entre des choses jusqu'à présent opposées, comme le 'ici' et le 'là-bas'. Aujourd'hui, avec l'instantanéité de l'Internet, ce n'est plus possible", explique-t-elle à la RTS. 

Autrice de "La génération Z aux rayons X" (Ed. du Cerf), elle parle d'une génération transfrontalière. "On peut être ici, tout en étant là-bas, on peut être aussi dans la performance et dans la reliance, dans l'économique et dans le social, dans le virtuel et dans le réel". Les Z incarnent un monde postmoderne, saisissent différemment le temps et l'espace, la relation à soi, aux autres et au monde.

Cette génération crée des liens plutôt qu'elle n'oppose, qu'elle ne sépare. Elle ne met pas les choses dans des cases, dans des catégories ou dans des systèmes binaires, qu'on avait pu penser dans la modernité, c'est-à-dire tout ce qui nous a construit dans le 'monde d'avant'.

Elisabeth Soulié, anthropologue

Les jeunes de cette génération vivent l'instant présent de leurs expériences, de leur manière d'être ensemble. "Ils le font dans leur communauté, dans leurs tribus affectives, affinitaires et émotionnelles pour partager quelque chose de commun", explique Elisabeth Soulié. Selon elle, c'est une génération qui sort d'une forme d'individualisme exacerbé jusqu'à maintenant, pour créer du "nous".

Un "nous" d'autant plus fort et présent durant cette période de pandémie durant laquelle les jeunes ont beaucoup souffert d'être assignés à résidence, comme Lola Burion. Cette étudiante en première année d'architecture à l'EPFL explique sur le plateau de l'émission Forum que c'est en parlant autour d'elle qu'elle s'est rendu compte qu'elle n'était pas toute seule à avoir un coup de blues durant la crise sanitaire.

>> A voir aussi: la série dédiée par l'émission Forum à la génération Z :

Génération Z (2-5): Damien et Lola
Génération Z (2/5): Damien et Lola / Forum / 10 min. / le 20 juillet 2021

"et" vs "ou"

Objet de toutes les attentions, on ne compte plus les articles, décryptages, études et autres analyses la concernant avec, souvent, des "étiquettes" contradictoires qui n'arrivent pas à dresser le portrait d'une génération multi-communautaire et multi-identitaire, qui navigue sans opposer les différentes définitions ou catégories.

Un sondage en ligne réalisé par Squarespace et The Harris Poll et publiée le 1er juillet révèle que 60% de la génération Z et 62% des millennials (personnes nées entre le début des années 1980 et la fin des années 1990) pensent que la façon dont vous vous présentez en ligne est plus importante que la façon dont vous vous présentez en personne. L'étude a aussi révélé que les membres de la génération Z sont plus susceptibles de se souvenir du dernier site web qu'ils ont visité (43%) que de l'anniversaire de leur partenaire (38 %).

Et pourtant, dans une enquête réalisée en France par Diplomeo et citée par Forbes, on apprend qu' étonnamment, 56% des 16-25 ans sondés déclarent passer moins de deux heures sur les réseaux sociaux, 29% entre trois et cinq heures et seulement 12% plus de cinq heures.

>> A voir aussi un sujet sur l'addiction aux écrans des 18-25 ans :

Série génération 18 - 25 ans: addiction aux écrans
Série génération 18 - 25 ans: addiction aux écrans / L'actu en vidéo / 3 min. / le 6 avril 2019

D'autres enquêtes et sondages révèlent, à leur tour, des usages et des nouveaux comportements qui semblent contradictoires. Matérialistes et consommateurs et consommatrices responsables, narcissiques friands de selfies et soucieux de l’élan collectif, les Z fonctionnent en "et" et non pas en "ou".

L'anthropologue française parle, elle, de génération fluide. "Elle est tout le temps en mouvement, elle circule, même dans ses identités sexuelles. Elle a une approche de la personne un peu baroque", dit-elle. C'est une génération qui se reconfigure à l'infini et s'interroge en permanence sur l'agencement de ses multiples identités numériques et réelles, sans que les unes excluent les autres.

Fluide et transfrontalière, elle représente un véritable basculement anthropologique. On ne sait pas si les Z vont complètement changer le monde, mais ils et elles l’influenceront profondément.

Miruna Coca-Cozma

>> "La Génération Z aux rayons X", d'Elisabeth Soulié (Editions du Cerf).

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