Un "Carnet rose" pour plus d’égalité dans le monde de la culture

Un "Carnet rose". Pour une situation qui ne l’est pas. Pas encore. Celle des femmes et des minorités de genre dans le monde de la culture. Et puis le rose, c’est aussi un clin d’œil: couleur des filles par tradition sans parler de la "taxe rose", ce prix toujours plus élevé dès qu’un article en magasin est destiné à une clientèle féminine alors qu’il n’est pas plus cher à produire que son équivalent masculin. Passons.

Un "Carnet rose". Pour l’égalité de genre dans la culture. C’est le sous-titre de ce carnet qui le proclame. L’initiative vient d’un festival genevois devenu au fil des éditions une véritable plateforme pour l’avancement de la cause des femmes et des minorités de genre dans les arts. En plus des concerts, spectacles et autres expositions, les Créatives organisent des rencontres et des enquêtes. En voici le fruit: 90 pages de constats et de recommandations "sans stigmatiser", précise Dominique Rovini, directrice du Festival.

Faire bouger les choses sans stigmatisation

"Le Carnet répond à une demande des milieux culturels. Il s’agit de faire bouger les choses de manière positive. Sans stigmatiser les uns ou les autres". N’empêche, il arrive à point nommé ledit carnet, alors que les arts de la scène romande ont vécu un petit tremblement de terre avec la condamnation récente d’un chorégraphe genevois pour attouchement sexuel sur une danseuse et une enquête menée contre une compagnie de danse-théâtre valaisanne.

De quoi parle-t-il ce carnet que l’on peut trouver dans les lieux culturels de suisse (il existe aussi en version allemande) ou sur le site des Créatives? Quatre pans de la culture sont traités.

1. Egalité et diversité dans les programmes et les équipes

2. Egalité salariale

3. Conciliation vie privée et vie professionnelle

4. Harcèlement sexuel

Recommandations pour les pouvoirs politiques

Et l’ouvrage de se conclure avec des recommandations à l’usage des pouvoirs politiques. Car c’est à ce niveau que les choses peuvent légalement progresser. Par exemple en liant l’octroi des subventions et autres conventions à des conduites en matière d’égalité de genre et de respect de la personne.

On pourrait se figurer les milieux artistiques à la pointe en matière d’égalité. On est loin du compte. "Le champ artistique a ceci de particulier qu’il est largement porté par le sentiment vocationnel de ses membres, ce qui contribue à dévaloriser la dimension contractuelle des relations professionnelles et constitue par là même un terreau fertile de discrimination", constate le "Carnet rose". Vous voulez du concret? Tentez de mener de front une carrière dans la danse et des maternités! Cherchez des rôles féminins au théâtre passé 40 ans!

Du pain sur la planche pour la mixité

Heureusement, les choses bougent déjà. Structures, jury ou encore directions se féminisent, mais à lire le "Carnet rose", il reste du pain sur la planche. "Les grandes structures commencent à mettre en place des nouvelles pratiques, par exemple, à rendre les équipes de productions plus mixtes. Dans les petites structures, c’est plus compliqué", note Dominique Rovini.

On laisse le mot de la fin à la rappeuse valaisanne KT Gorique. Son témoignage vaut toutes les études sociologiques. On le trouve dans le "Carnet rose", page 15: "Je suis une femme qui fait du rap et je suis noire. Le mois de mars, c’est une des périodes les plus chargées pour moi. Il y a la journée des droits des femmes et la journée contre le racisme, donc des concerts et des événements. Ça pose plein de questions. Ça veut dire quoi? Pourquoi? Est-ce que vous allez continuer à programmer des femmes, ou est-ce que ce ne sera qu’une fois par année? Selon, si de tels évènements 100% féminins existent, c’est parce qu’il y a un problème de représentation au départ (…)".

Thierry Sartoretti/olhor

Le Festival Les Créatives se tiendra du 16 au 28 novembre 2021.