Renaud Capuçon: "Je veux que Lausanne soit fière de son orchestre comme d'une équipe de foot"
Violoniste de grand talent, le Savoyard de 45 ans a accepté un vrai défi en reprenant la direction de l'OCL. Il doit, du coup, lâcher parfois son violon pour la baguette de directeur. Son credo: transmettre la musique, guider les jeunes musiciens, donner accès à cet art à des oreilles qui en sont privées.
Mais la musique peut-elle soigner les vagues à l’âme d’un monde pandémique? "Tout ce qui peut permettre de faire partager cet amour de la musique au plus grand nombre, je le fais", a confié mardi au micro de la RTS cette véritable institution de la musique classique, qui préfère se voir comme un simple artisan musicien.
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Sur tous les fronts
Malgré la pandémie, Renaud Capuçon est sur tous les fronts: outre la direction de l'OCL, il est aussi directeur artistique des Sommets musicaux de Gstaad et du Festival de Pâques d'Aix-en-Provence, il donne des cours et il reste bien sûr soliste. Il a repris ses voyages à travers le monde en dépit des contraintes sanitaires. L’an dernier, il a joué à Londres, Lecce, Paris, Salzbourg, Hambourg, Bruxelles, Lausanne ou encore Gstaad.
Avec, en plus, la charge d'une famille, comment gérer cette vie musicale? "Plus je fais de choses et plus j'ai d'activités autour de la musique, plus je m'organise, et moins je suis stressé. Curieusement, j'arrive à être beaucoup plus libre sur scène depuis que je fais beaucoup plus de choses", s'étonne-t-il. En vieillissant, il a découvert qu'il avait moins besoin de prouver aux autres, et davantage besoin de convaincre. "A mon âge, il ne s'agit bien sûr pas de déplaire, mais de faire passer des émotions dans la musique. On est davantage dans la substantifique moelle que dans l'écorce. C'est très plaisant, parce qu'on arrive à faire passer plus de messages", confie le violoniste.
A mon âge, il ne s'agit bien sûr pas de déplaire, mais de faire passer des émotions dans la musique. On est davantage dans la substantifique moelle que dans l'écorce
Un peu comme Maurice Béjart l'a fait avec la danse, s'apprête-t-il à faire de Lausanne un phare de la musique classique? "Vous me prêtez des prétentions que je n'ai pas. Béjart, pour le coup, c'est vraiment une institution! Ce que je souhaite, c'est qu'on soit fiers de cet orchestre de chambre dans la ville, déjà. Comme d'une équipe de foot", s'enthousiasme Renaud Capuçon. "L'orchestre est un bijou, il a toutes les qualités des meilleurs orchestres de chambre d'Europe, mais j'ai l'impression qu'il est plus connu et reconnu à l'étranger, comme très souvent c'est le cas, que dans le canton de Vaud ou la ville de Lausanne (...). Je pense qu'il y a du travail à faire de ce côté-là. C'est déjà une ambition."
Faire, "pas seulement en parler"
Parmi les projets qu'il a déjà menés à bien à Lausanne figure les Concerts de l'OCL pour tous, donnés notamment dans les prisons ou au sein d'institution pour les handicapés. "Nous, les musiciens classiques, on parle souvent des choses qu'on pourrait faire, qu'on devrait faire... Moi, j'aime bien les faire, et pas seulement en parler", raconte le nouveau directeur de l'OCL. "Aller vers ces publics, c'est formidable pour eux, mais c'est aussi formidable pour nous. C'est un échange (...). Il y a quelque chose qui se dégage de très vertueux pour l'être humain; le fait de donner, on reçoit au centuple", s'émeut-il.
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Pour lutter contre la gêne ou l'ennui que certains éprouvent face à la musique classique, il entend "casser cette idée reçue" que cette musique est destinée à une élite. "Je crois qu'on est, les musiciens, très responsables de ça. Pendant des d'années, on a été très contents d'être dans un club très fermé", concède Renaud Capuçon, qui veut ouvrir ce club, sans pour autant faire de concessions sur l'excellence. "Il n'y a rien de pire que le populisme en musique, qui consiste par exemple à se dire: 'oui, c'est un petit concert, alors on va faire de la musique adaptée pour ces gens'. Non. Il faut, où qu'on aille, et pour qui que ce soit, jouer de la même façon, avec la même ferveur et la même passion."
Il n'y a rien de pire que le populisme en musique, qui consiste par exemple à se dire: "c'est un petit concert, alors on va faire de la musique adaptée pour ces gens". Non. Il faut, où qu'on aille, jouer de la même façon
Propos recueillis par David Berger
Adaptation web: Vincent Cherpillod