Marie Palot présente le magazine "Zine! Zine!" sur Okoo (France Télévisions), l’émission "Popcorn" sur Twitch et le podcast dédié aux mangas et à la culture japonaise, "Yamanote", sur France Inter. Un signe de la démocratisation de la culture manga et des dessins animés japonais, dits animés, auprès du grand public.
Et pour cause: en 2021, 40 millions de mangas se sont vendus en France. Pour la première fois, la vente des bandes dessinées japonaises a dépassé celle de leurs cousines franco-belges, une bande dessinée vendue sur deux étant un manga.
"L'équipe de France Inter a énormément participé à la création du podcast ‘Yamanote’. Ils se sont montrés curieux et bienveillants vis-à-vis du sujet, explique Marie Palot à la RTS. Ce podcast est destiné à vulgariser la culture pop japonaise et le manga pour les auditeurs de France Inter. La radio est allée plus loin en se positionnant sur un nouveau média en ligne, en organisant la soirée spéciale ‘La nuit du manga’, retransmise en direct sur Twitch."
Un tour de Tokyo en métro
"Yamanote" est le nom d’une ligne de métro tokyoïte très empruntée, dont le parcours est une boucle. Elle dessert les stations les plus connues de la capitale japonaise. C’est aussi le fil narratif du podcast de Marie Palot. Chaque arrêt de la ligne de métro constitue un épisode et un thème en particulier. "Si vous souhaitez vous rendre au plus grand carrefour du monde, le passage piéton de Shibuya, vous empruntez la ligne Yamanote. Idem pour découvrir Shinjuku, le quartier rouge. C’est une ligne de métro à la fois iconique et très reconnaissable à sa couleur verte. C’est ma ligne de métro favorite, car je sais que si je m’y endors, peu importe où je m’arrêterai, je retrouverai mon chemin."
Un média à la fois féministe et sexiste
Arrêt Shinjuku: on y trouve le quartier rouge de Kabukicho, où des bars et des salons de massage se disputent le pavé avec la tête géante de Godzilla. Une zone chaude et remplie de Yakuzas que j’ai pu, à titre personnel, traverser seule en pleine nuit sans jamais être inquiétée. Dans une société ultra-patriarcale comme le Japon, la mouvance 'MeToo' balbutie à peine. Libérer la parole demande du courage, un courage qui trouve son public dans le manga, avec des titres engagés qui vont dans le sens du progrès.
Dans l’un des épisodes de son podcast, Marie Palot aborde le sujet du féminisme et du sexisme dans les mangas. Deux mots qui se télescopent: "Si vous demandez à des Japonais ce qu’ils pensent du sexisme ou de la représentation féminine dans les mangas, vous n’aurez pas de réponse car le sujet n’existe pas. Pourtant, chez nous en Occident, cette interrogation est récurrente et sujette à débat. Les fans de mangas sont très conscients de ce phénomène d’hyper-sexualisation des personnages féminins et masculins", précise Marie Palot.
La journaliste prend l’exemple de la série "One Piece": "Certains héros masculins sont toujours torse nu, tandis que les héroïnes sont en tenue légère. Cela ne sert pas du tout l’histoire, surtout lorsque les personnages doivent se battre contre des monstres dans ces tenues, sans protection! De plus, les personnages féminins sont souvent montrées sous la douche et leur consentement n’est pas pris en compte, même pour un baiser. Ces schémas sont souvent mis en place par les éditeurs japonais, qui se réfèrent aux sondages. En fonction des personnages favoris des lecteurs, l’auteur devra créer des scènes supplémentaires ne servant pas l’histoire, pour faire plaisir au lectorat. Cela s’appelle du ‘Fan-service’."
Le féminisme a cependant pointé entre-temps le bout de son nez dans les mangas. Les séries récentes mettent en avant des personnages féminins plus recherchés. La série "Jujutsu Kaisen" en est un exemple, avec le personnage charismatique de Nobara. "Elle est à la fois jolie, intelligente, drôle et brutale – elle se bat avec un marteau. À noter que l’auteur du manga, Gege Akutami, est très jeune."
Des thèmes universels
Au début des années 1990, l’absence de médias et plus particulièrement d’émissions télévisées destinées spécifiquement aux adolescents est comblée par les animés japonais. "On s’identifie facilement aux héros, c’est très universel. Les peurs et les traumatismes communs aux ados y sont abordés", indique Marie Palot.
De nos jours, les mangas et les animés se sont démocratisés et s’adressent autant aux enfants qu’aux ados et aux adultes. La série "L'attaque des Titans", où l’humanité est traquée par des géants, a rencontré un franc succès grâce à son animation et une histoire pouvant être transposée à notre réalité. Ce qui fait dire à Marie Palot: "Malheureusement, l’actualité fait que l’histoire du géant qui envahit le voisin nous est familière. Dans la série, les derniers humains se défendent pour leur pays, leur culture. Malgré cela, il y a encore une hiérarchie: les plus pauvres habitent proche des murs et sont donc plus exposés aux attaques, tandis que les plus riches sont confortablement installés dans la plus petite enceinte du bastion."
Propos recueillis par Antoine Droux
Adaptation web: Myriam Semaani
Marie Palot, "Yamanote", disponible sur les plateformes de streaming, sur l'application Radio France et sur le site internet de France Inter .