Il y a quelques jours, la musicienne Sophie Hunger dénonçait sur Twitter la programmation exclusivement masculine du festival tessinois Moon & Stars.
Qualifiant le message de polémique, le directeur du festival Dani Büchi expliquait qu’il n’avait pas été possible cette année de réserver une musicienne qui attirerait entre 8000 et 10'000 spectateurs. "Si moins de 8000 billets sont vendus, le festival enregistre des pertes... Nous ne proposons pas un programme global, mais une suite de concerts individuels. Chacun doit fonctionner de manière autonome", se défendait-il dans une interview donnée à Keystone-ATS. Et d’ajouter : "Dans cette ligue, il n'y a malheureusement que très peu de musiciennes. Le marché est extrêmement restreint".
Tour d’horizon
Qu'en est-il de la programmation d’autres festivals en Suisse ? Nous avons analysé les têtes d’affiche 2022 des principaux évènements musicaux qui se tiennent en Romandie : L’Estivale Open Air, Le Rock Oz Arènes, le Palp, Le Caribana, Festi’neuch, Le Chant du Gros, le Paléo, Le Montreux Jazz et Sion sous les étoiles.
Si ces événements sont tous différents quant à leur taille et à l’offre qu’ils proposent, les artistes féminines restent globalement sous-représentées. Si on s’intéresse seulement aux têtes d’affiche, le pourcentage de femmes se situe entre 6% et 33%.
Pour donner une échelle, des festivals comme le Paléo et Sion sous les étoiles comptent 6% de musiciennes, le Palp Festival 20 % et Festi’neuch près de 33%.
Artistes féminines rares
Pour Michael Drieberg, directeur de Live Music Production et organisateur de Sion sous les étoiles, la polémique initiée par Sophie Hunger est un faux débat. "Nous aimerions tous avoir plus d'artistes féminines sur scène et on les cherche activement. Déjà, elles sont beaucoup moins représentées dans l’industrie musicale et il est compliqué de trouver une artiste capable de remplir une jauge à plus de 10'000 places. Généralement, on se les dispute entre festivals et elles sont souvent déjà prises", détaille l’organisateur.
"Si on passe à un autre extrême, on a des stars comme Adèle ou Rihanna qui sont inabordables en Suisse romande et qui préfèrent se représenter dans des événements à plus grande capacité".
Quid de la question des quotas dans les festivals ? "Je trouve ça ridicule et je ne pense pas que la musique doit être classifiée. On doit présenter au public ce qu’il aime. Et si cette année c’est majoritairement masculin, alors la programmation sera majoritairement masculine", répond-il.
Chercher la diversité
Une fausse excuse pour l’organe de promotion des musiques actuelles romandes, la FCMA. Les femmes qui drainent du public existent, mais les réflexes pour aller les chercher ne sont pas encore présents.
"C’est sûr qu’il y a un problème structurel, avec un accès à la scène et au marché qui est plus difficile… Mais c’est quand même curieux de trouver encore si peu de femmes en 2022, souligne sa directrice Albane Schlechten. J’estime que la mission d’un directeur de festival est de chercher cette diversité. On doit étendre son champ d’action, faire un effort pour aller les chercher directement dans les labels ou dans les agences, là où elles se trouvent".
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Au niveau européen, plusieurs festivals ont signé une charte visant à une meilleure parité dans l’industrie de la musique, via l’initiative Keychange. C’est le cas de Primavera Sound, événement barcelonais qui réussit à proposer une parité complète des genres dans sa programmation. En Suisse, l'agence Inouïe s'engage notamment auprès des artistes féminines.
Sujet TV: Mathieu Lombard
Adaptation web: Sarah Jelassi