Initiée par la Conférence des chefs de service et délégués aux affaires culturelles (CDAC) et Corodis, l'étude avait pour objectif d'analyser le système romand des arts de la scène et élaborer des pistes pour améliorer son fonctionnement. Menée en 2021 et 2022, elle s'est basée sur des données de l'Office fédéral de statistiques (OFS), une vingtaine d'entretiens et des questionnaires en ligne envoyés aux troupes de théâtre et aux compagnies de danse.
Forte attractivité du secteur
Un premier chiffre est très éloquent: le nombre d'emplois dans la catégorie "Troupes de théâtre et de ballet" a augmenté de 31% en Suisse entre 2011 et 2019 et même de 60% en Suisse romande, selon des chiffres de l'OFS. L'étude explique que "cette attractivité du secteur ne dérive pas d'une addition de vocations individuelles, mais bien de conditions sociales favorables".
L'enquête en pointe trois: la croissance économique des pays à hauts revenus comme la Suisse, le besoin d'un épanouissement professionnel et personnel et la normalisation des carrières dans la culture.
"Cette attractivité se traduit par une surchauffe du système des arts de la scène en Suisse romande qui se manifeste à travers trois formes principales, à savoir la limite du nombre de lieux, la limite des possibilités de financement et la concurrence généralisée pour capter l'attention de publics de plus en plus sollicités", selon elle.
Cette forte attractivité qui ne cesse de générer une croissance constante du nombre d'employés mène à une suroffre de spectacles. Et cette dernière génère, elle, de la précarité ainsi que des "asymétries" entre artistes, troupes, compagnies et pouvoirs publics (inconsistance et inconstance des montants perçus), observe l'étude.
Lausanne et Genève en pole position
La surchauffe aggrave une précarité déjà chronique dans les arts de la scène, souligne-t-elle. Le revenu professionnel brut médian des personnes actives occupées à plein temps dans les arts de la scène en Suisse est estimé à environ 5'729 francs par mois (moyenne pour la période 2011-2019). En intégrant les temps partiels, le revenu professionnel brut médian se situe à environ 4'442 francs par mois.
Les données issues du questionnaire en ligne réalisée pour cette étude annoncent, elles, un revenu médian mensuel brut de 2'708 francs seulement pour celles et ceux actifs dans des compagnies romandes.
"Ces résultats déjà faibles et qui suivent une tendance baissière comparativement aux autres secteurs de l'économie ne tiennent toutefois pas compte de certaines spécificités du domaine, soit un chômage élevé, le travail intermittent et une multiactivité".
Autre constat de l'enquête, ce système des arts de la scène gravite essentiellement autour de Lausanne et Genève. Une conclusion étayée par l'analyse de la circulation de 538 productions romandes entre 2018 et 2021, issues déjà en majorité de Lausanne (167) et Genève (149).
Ralentir la cadence et repenser les aides
Forte de tous ces constats, elle préconise plusieurs mesures concrètes à mettre en oeuvre afin de repenser les soutiens aux arts de la scène romands et de "ralentir la mécanique du système". Elles consistent en trois lignes directrices.
Les aides doivent s'inscrire dans un temps plus long et concerner aussi d'autres étapes du cycle de vie des productions: soutien à la recherche artistique et à la recherche de fonds, délais plus fréquents pour les requêtes, reconsidération du temps de répétition, allongement du temps d'exploitation, renfort du soutien à la diffusion ou encore création de dispositifs d’aide à la reprise.
S'agissant de la lutte contre la précarité, les pouvoirs publics doivent par exemple surveiller plus attentivement encore les productions qu'ils soutiennent, notamment en ce qui concerne les montants des revenus et cotisations sociales. Théâtres et compagnies doivent, eux, mieux prendre conscience des responsabilités inhérentes à leur statut d'employeur, direct ou indirect, notamment dans le cadre de la négociation des prix de cession.
L'étude recommande une charte des bonnes pratiques, largement partagée, permettant de sensibiliser et de guider les parties prenantes sur ces questions.
Troisièmement enfin, il faut clarifier et mieux coordonner l'action publique. Cela passe par des définitions communes, le partage de certains critères, de principes généraux ou encore de formulaires aussi semblables que possible, conclut l'enquête.
ats/mh