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"Guerre et peste", un nouveau recueil de dessins pour Herrmann

Herrmann, dessinateur de presse de La Tribune de Genève. [Libre de droits]
"Guerre et peste", un nouveau recueil de dessins pour Herrmann / Médialogues / 21 min. / le 2 décembre 2022
Invité dans l'émission Médialogues de la RTS, le dessinateur de presse Gérald Herrmann publie "Guerre et peste", un recueil de dessins parus ces deux dernières années dans La Tribune de Genève et dans Le Monde. Il y porte un regard aiguisé sur l’actualité, de l’Ukraine au Covid-19 en passant par quelques Genferei.

Peut-on rire de la guerre en Ukraine? Peut-on rire d’une pandémie, celle du Covid par exemple? Est-il permis de ricaner après la victoire de Donald Trump, après 10 ans de guerre en Syrie ou après le meurtre d'un afro-américain, étouffé par le genou d'un policier blanc, en plein jour, dans une ville américaine? De rire des genferei, du harcèlement à l’hôpital et de l'épilation des jambes, après la fin du télétravail?

La couverture de "Guerre et peste". [DR - Herrmann]
La couverture de "Guerre et peste". [DR - Herrmann]

Oui, répond Hermann, qui en a même fait son travail. Pour choisir les dessins qui figurent dans son livre, il a laissé l'actualité s'imposer à lui. "J'ai regardé ce que j'avais fait ces deux dernières années", a-t-il expliqué vendredi au micro de Médialogues. Il en a résulté un ouvrage qui fait la part belle à la pandémie de Covid-19 et à la guerre en Ukraine, avec une touche de réchauffement climatique.

Une autocensure revendiquée

Mais pas question pour autant, à ses yeux, de rire de tout, et surtout, n'importe quand. "Je m'autocensure toujours", confie-t-il. "L'humour est une institution humaine. Il n'y a pas de raison que ce soit une institution qui n'ait pas de règles", défend l'humoriste, qui dit toujours tenter de faire en sorte que son gag puisse être reçu des gens qui le lisent.

L'humour est une institution humaine. Il n'y a pas de raison que ce soit une institution qui n'ait pas de règles

Herrmann, dessinateur pour la Tribune de Genève et Le Monde

"Je suis dans un journal généraliste, je m'adresse à des personnes qui n'ont pas du tout mon opinion. Mon but serait que la personne que je vilipende un peu puisse rire avec moi d'elle-même. Ca, c'est mon autocensure", détaille Herrmann.

Il va même plus loin, décriant les dangers qu'entraîne, selon lui, une trop grande liberté de parole en matière d'humour. "Pendant longtemps, il y avait un discours complètement stupide, particulièrement en France, où tout le monde disait: 'il n'y a pas d'autocensure, on fait ce qu'on veut'. Ce n'est pas vrai! C'est une institution humaine", estime le dessinateur. Et d'ajouter: "Depuis mes débuts dans le métier, j'ai trouvé que l'humour était une espèce de bombe atomique, quelque chose de très explosif, et qui a fini par exploser littéralement à Charlie Hebdo".

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Erreurs d'appréciation

Herrmann concède quelques erreurs d'appréciation, notamment en début de carrière, quand il représente Mohamed Ali, atteint de la maladie de Parkinson, tenter maladroitement d'allumer la flamme olympique des Jeux olympiques d'Atlanta en 1996. "J'ai fait tout faux. Il y a des règles dans l'humour, et j'ai transgressé deux règles. D'abord, l'humour doit toujours être le rapport du faible au fort et jamais du fort au faible. (...) C'était odieux", analyse-t-il.

Autre erreur sur ce dessin, avoir joué la carte de la dérision alors que la quasi-totalité du public était dans l'émotion. "Il ne faut jamais faire de deuxième degré au moment où tout le monde est dans le premier degré. L'humour est une relation, il faut respecter l'autre. On fait surtout de l'humour avec les autres. Là, je ne laissais pas la possibilité aux autres de rire avec moi. Je disais: 'vous êtes idiots de pleurer de quelque chose qui est ridicule'".

Il ne faut jamais faire de deuxième degré au moment où tout le monde est dans le premier degré. L'humour est une relation, il faut respecter l'autre. On fait surtout de l'humour avec les autres

Herrmann

Pour éviter de telles erreurs, il glisse qu'il envoie certains de ses dessins au dessinateur Chappatte quand il a un doute. Ce dernier fait d'ailleurs de même. "J'ai plus confiance en lui qu'en moi quand je doute, car je n'arrive pas tout à fait à m'abstraire de moi-même", explique Herrmann.

Une sensibilité très forte de la part des femmes

Plus récemment, il a provoqué une petite polémique lors de l'abolition du télétravail obligatoire, publiant un dessin sur lequel figuraient deux tentes identiques avec, devant chacune, une file d'attente. La première tente était estampillée "vaccination", la deuxième "épilation".

"Il y a actuellement une sensibilité très forte de la part des femmes, que je comprends tout à fait car on les a soumises au silence pendant longtemps. (...) J'ai de l'amitié pour cette révolte, mais je n'ai pas envie de me laisser moi non plus réduire au silence. Je vais continuer de les 'énervoter' un petit peu pour qu'il n'y ait pas ce discours victimiste qui se met à régner, comme c'est le risque actuellement", souligne le dessinateur.

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Propos recueillis par Antoine Droux
Adaptation web: Vincent Cherpillod

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Poutine, un "maquilleur insupportable de la vérité"

La guerre en Ukraine prend une place importante dans "Guerre et peste". Plusieurs dessins sur ce thème laissent d'ailleurs peu de place à l'humour. Et ce n'est pas un hasard, tant Herrmann dit se sentir agressé par le discours de Vladimir Poutine.

"Poutine fait partie de ces maquilleurs insupportables de la vérité (...). Au niveau intellectuel, il y a pire encore qu'attaquer un pays, c'est l'attaquer au prétexte d'une forme d'amitié, d'une fraternité qu'il s'invente. Pour moi, c'est absolument insupportable", s'indigne le dessinateur.

Un dessinateur qui se méfie de l'image

Dans les dessins d'Herrmann, le texte a souvent une grande importance au milieu du dessin. "C'est vrai. J'ai un petit côté protestant, ou suisse allemand. Je me suis toujours méfié énormément de l'image (..:) Or, l'image est souvent dans le choc, dans l'émotion. Je ne trouve pas que c'est un outil idoine pour comprendre l'actualité", explique le dessinateur de la Tribune de Genève.

"J'ai toujours besoin du langage pour essayer de me placer au-dessus de l'actualité. Le langage est une façon de surmonter la chose, la rationalité. Et l'humour est encore une façon d'essayer de s'en extraire, de plus haut encore".