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Le documentaire "Nightwatchers" suit le passage des migrants de l'Italie à la France

Dans son nouveau film "Nightwatchers", la réalisatrice Juliette de Marcillac raconte l'histoire de bénévoles protégeant des migrants chassés par la police française. [IDFA - DR]
L'invitée du 12h30 - La réalisatrice française Juliette de Marcillac présente son film "Nightwatchers" / L'invité du 12h30 / 9 min. / le 17 avril 2023
Le documentaire de la réalisatrice Juliette de Marsillac montre comment maraudeurs bénévoles, ONGs, migrants et forces de l’ordre se fuient et se poursuivent la nuit dans le village de Montgenèvre, entre la France et l'Italie. "Nightwatchers" est à voir vendredi au festival Visions du réel à Nyon.

Montgenèvre est un village français de montagne situé non loin de la frontière franco-italienne, dans les Hautes-Alpes. Il est célèbre pour ses pistes de ski, mais aussi pour ses chemins de fortune que les migrants et migrantes empruntent afin d’entrer en France. La nuit, le silence règne, jusqu’à ce que des pas sous une neige périlleuse ne le brisent.

Au sommet des montagnes enneigées, des veilleurs de nuit, des maraudeurs et maraudeuses se tiennent prêts à aider les migrants et migrantes tandis qu’ils et elles franchissent la frontière tout en évitant la police, déployée dans les moindres recoins. Ainsi commence le documentaire "Nightwatchers" ("Veilleurs de nuit") qui ouvre vendredi l'édition 2023 du festival Visions du réel à Nyon.

Un jeu du chat et de la souris

À travers sa caméra, la réalisatrice française Juliette de Marsillac montre avec subtilité des nuits où migrants, veilleurs de nuit et police jouent au chat et à la souris. Elle filme aussi l’humanité et ses dérives, notamment un système administratif pas toujours respectueux des droits humains, et les témoignages puissants de volontaires qui passent des nuits entières à aider ces exilés qui marchent depuis des jours, des semaines ou des années.

Un déclic à la maison

Juliette de Marsillac connaît bien le village de Montgenèvre, où son grand-père possédait un chalet. Un jour, elle reçoit un flyer dans sa boîte aux lettres indiquant qu’un jeune homme était mort de froid en ayant tenté de traverser la frontière. "Aucune voiture ne s’était arrêtée pour l’aider. Il est mort de froid au bord de la route. C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il fallait que j’aille voir ce qu’il se passait la nuit dans la montagne", se souvient la réalisatrice, interrogée par la RTS.

Elle décide alors de poser des questions aux villageois, s’inscrit en tant que bénévole et commence, elle aussi, à faire des maraudes. "Je voulais faire un film sensoriel, qui aide à faire ressentir la violence de ce passage de frontière." Au bout de quatre ans de travail, le film est terminé.

Nombreux enjeux autour de la frontière

La première séquence du film montre les membres de l’organisation Médecins du monde, des volontaires tentant de venir en aide à un groupe de migrants exténués et des migrants escortés par la police. Il est difficile pour chacun et chacune de faire son travail, le dialogue avec les forces de l’ordre semblant parfois impossible. "Cette première séquence permet de découvrir toutes les forces en présence: les exilés, les forces de l’ordre, Médecins du monde et les maraudeurs", indique Juliette de Marsillac. Les spectateurs et spectatrices comprennent ainsi immédiatement les enjeux qui se jouent autour de la frontière.

"Nightwatchers" contient beaucoup de témoignages de volontaires et de maraudeurs qui racontent leurs expériences en France et ailleurs, recueillis pendant la nuit. Une infirmière parle en chuchotant de son vécu en Croatie alors qu’elle venait en aide à des migrants. Si les maraudeurs ne font rien d’illégal, la possibilité d’un faux-témoignage de la police existe. "L’un des risques est celui d’être accusé d’aide au passage de la frontière. Or, les maraudeurs attendent du côté français. Ils n’aident jamais à traverser la frontière et ne s’en approchent pas."

Le documentaire montre aussi les séquelles psychologiques de ses protagonistes. Des peines que partage la réalisatrice, qui a terminé le film en quatre ans. "Les personnages de mon film, principalement des jeunes femmes maraudeuses, relaient ce que j’ai pu ressentir. Je partage leur indignation et leur rage", conclut Juliette de Marsillac.

Propos recueillis par Aleksandra Planinic

Adaptation web: Myriam Semaani

Juliette de Marsillac, "Nightwatchers", à voir au festival Visions du réel, Nyon, les 21 et 23 avril en présence de la réalisatrice, ainsi que le 26 avril.

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A Visions du réel, le cinéma documentaire sort de son ghetto

Le festival Visions du réel, qui se tient du 21 au 30 avril à Nyon, projettera les deux documentaires récompensés à la dernière Mostra de Venise et à la Berlinale. Des films puissants qui prennent le pouls de l'époque.

A la dernière Berlinale en février, le documentaire sur la psychiatrie du réalisateur français Nicolas Philibert "Sur l'Adamant" a gagné l'Ours d'Or.

A la Mostra de Venise, un documentaire sur la crise des opiacés "All the Beauty and the Bloodshed" de la réalisatrice américaine Laura Poitras s'est vu décerner le Lion d'Or. Il s'agit d'un voyage à travers la vie de la photographe Nan Goldin, connue pour ses clichés du New York underground, des malades du sida et de la crise des opiacés. Les deux films seront visibles à Visions du réel avant leur lancement en salles.

Donner de l'élan pour aller en salle

Même si Visions du réel soutient le retour dans les salles, le festival reste sur une formule partiellement hybrique. Les amateurs de documentaires pourront voir une partie des films en ligne après leur diffusion dans une des six salles du festival, via un abonnement au coût modique.

Au total, le festival va présenter 163 films, dont 82 premières mondiales (films jamais diffusés), onze premières internationales (déjà diffusés uniquement dans le pays de production), deux premières européennes, et 26 premières suisses. ats

Près de 40 (co)productions helvétiques

Côté suisse, 37 (co)productions helvétiques sont proposées dans les sections du festival, dont trois en Compétition internationale (longs métrages): "While the Green Grass Grows" du réalisateur helvetico-canadien Peter Mettler tourné dans la campagne appenzelloise, "Pure Unknown" de Valentina Cicogna et Mattia Colombo, consacré à l'enterrement des migrants noyés en mer et "Antier noche" d'Alberto Martin Menacho, qui dépeint un petit village espagnol, dont la population décline.

Une section est uniquement dédiée aux (co)productions suisses, la Compétition nationale (longs et moyens longs métrages) avec douze films, dont onze premières mondiales et une première internationale. Parmi eux, trois films alémaniques: "Chagrin Valley" de Nathalie Berger sur un établissement destiné aux personnes atteintes de démence, un ciné-poème "Floating Islands" de Nicolas Humbert et Simone Fürbringer ainsi que "Ruäch" d'Andreas Müller et Simon Guy Fässler, consacrés aux Yéniches.

>> A voir: Rencontre avec Stéphanie Barbey et Luc Peter, deux cinéastes romands qui présentent leur film "Dreamers" :

Rencontre avec Stéphanie Barbey et Luc Peter, deux cinéastes romands qui présentent leur film "Dreamers" au festival Vision du Réel à Nyon
Rencontre avec Stéphanie Barbey et Luc Peter, deux cinéastes romands qui présentent leur film "Dreamers" au festival Vision du Réel à Nyon / 19h30 / 2 min. / le 20 avril 2023

Du côté romand (en co-production), "Full Tank" de Benjamin Bucher et Julia Bünter, qui raconte l'histoire d'un entrepreneur fortuné, rêvant de participer au 24 Heures du Man. Il est coproduit par le Lausannois Jean-Stéphane Bron, un des trois cinéastes invités d'honneur de cette 54e édition, aux côtés de l'Argentine Lucrecia Martel et de l'Italienne Alice Rohrwacher.

On peut encore citer le nouveau film d'Emanuelle Tille "The Wonder Way". La réalisatrice embarque le spectateur dans un voyage à travers des territoires insolites. Et "Le fils du chasseur", tourné en Valais par Juliette Riccaboni, dans lequel un jeune essaie de se rapprocher de son père. ats