Six ans après "Breath of the Wild", Nintendo vise à nouveau le firmament avec son dernier Zelda
Un elfe en tunique verte armé d'une épée et une princesse à sauver: The Legend of Zelda déchaîne les passions des joueurs depuis 1986, il y a bientôt 40 ans. Imaginée par Shigeru Miyamoto, le créateur vedette de Nintendo aussi à l'origine du personnage de Mario, elle a traversé les générations de joueurs et de consoles. Riche d'une vingtaine d'épisodes principaux, elle s'est vendue à ce jour à quelque 130 millions d'exemplaires dans le monde.
Depuis le succès exceptionnel de l'épisode "Ocarina of Time" sur Nintendo 64 en 1998, la saga d'aventure phare du géant du jeu vidéo nippon donnait cependant l'impression, aux yeux d'une partie de la critique, d'être tombée dans une certaine routine. Mais en sortant "Breath of the Wild" (Le souffle de la nature) en 2017, Nintendo réussissait un coup de maître: replacer Zelda au firmament du jeu vidéo et propulser par la même occasion sa nouvelle console, la Switch, en tête des ventes. Avec 29 millions d'unités, c'est de loin le Zelda le plus vendu.
La révolution "Breath of the Wild"
Porté aux nues par la critique et les joueurs, "Breath of the Wild" a, de l'avis quasi-unanime du milieu, révolutionné le genre en proposant une expérience dans un vaste "monde ouvert" cohérent, riche et facile d'accès. Le titre a marqué les esprits par la grande liberté qu'il procurait, laissant le joueur vagabonder à sa guise en choisissant ses objectifs dans l'ordre souhaité et en les résolvant, dans une certaine mesure, selon sa propre méthode.
Au contraire des "mondes corridor" habituels dans bon nombre d'autres jeux, au sein desquels la progression du joueur dans le paysage est cadrée par des murs invisibles de part et d'autre de la voie à suivre ou par des obstacles infranchissables, Link - le héros que l'on dirige dans les Zelda - peut décider de délaisser les chemins pour choisir un cap au fond de l'image - une montagne lointaine, un canyon, une haute tour - et s'y diriger en ligne droite, traversant le cas échéant les rivières et escaladant les falaises rencontrées.
La Switch en voie de détrôner la Playstation 2?
La sortie de "Tears of the Kingdom" (Les larmes du royaume), que la firme présente comme la suite de "Breath of the Wild", pourrait relancer la vente de sa Switch vieillissante et la porter vers des records. Pour l'analyste chez Midcap Partners Charles-Louis Planade, il pourrait même devenir "la meilleure vente historique" de cette licence. "C'est un jeu qui peut s'approcher du milliard de dollars de revenus. C'est très conséquent pour une société qui fait un chiffre d'affaires d'un peu plus de 10 milliards par an", analyse-t-il.
Dans l'histoire du jeu vidéo, c'est la légendaire Playstation 2 de Sony qui détient le record du plus grand nombre de consoles vendues, avec 155 millions de machines. Du haut de ses 126 millions, la Switch n'est pas loin derrière et pourrait devenir la plus vendue de tous les temps dans le sillage de la sortie de "Tears of the Kingdom" si le succès est au rendez-vous.
Malgré les rumeurs persistantes, Nintendo n'a pas encore confirmé qu'il planchait sur une nouvelle console. Selon les analystes, elle pourrait néanmoins voir le jour d'ici à la fin de son prochain exercice, en mars 2025.
"Tout le monde peut s'emparer de cette aventure"
"Nintendo a pris six ans pour faire cette suite. Les développeurs de 'Breath of the Wild' se sont rendu compte qu'il y avait des possibilités d'étendre cet univers. On n'a plus entendu parler d'eux pendant cinq ans et là, ils reviennent avec le jeu qu'on a connu il y a six ans, mais en version 'plus plus plus'", a résumé jeudi matin dans l'émission Médialogues le spécialiste des jeux vidéo à la RTS Stéphane Laurenceau, qui peine à cacher son enthousiasme. Les critiques qui ont pu goûter au jeu en avant-première ont en effet dû attendre jeudi après-midi pour pouvoir rendre public leur avis sur le nouveau titre.
"Il y a plus de verticalité, plus d'options, de puzzles... On va nous 'challenger' le cerveau. Et on est restés sur la magie de Zelda, c'est-à-dire un univers jouable par toutes et tous à partir de 12 ans. C'est un jeu universel. Tout le monde peut s'emparer de cette aventure, tout le monde peut la vivre à sa manière", poursuit Stéphane Laurenceau. Tout comme avec son prédécesseur, "vous pouvez partir au nord, au sud, à l'est, à l'ouest. Vous vous faites alors une idée de l'univers et vous vous l'appropriez indirectement".
Vincent Cherpillod avec afp, Médialogues, Stéphane Laurenceau
Les recettes d'un succès qui dure
En 1986, le tout premier épisode de "La légende de Zelda" détonnait déjà pour l'époque. Avec peu d'indications, il abandonnait le joueur au milieu d'une contrée inspirée des explorations d'enfance de Shigeru Miyamoto dans la campagne nippone, ainsi que, confie son créateur, par les aventures d'Indiana Jones.
Le succès de la série - dont le nom de sa princesse est emprunté à la romancière américaine Zelda Fitzgerald - est immédiat. Son univers va charmer des générations de joueurs et inspirer nombre de créateurs de jeux. Mais comment expliquer le succès de cette saga sur une aussi longue période?
Pour le rédacteur en chef du magazine spécialisé Famitsu - la référence au Japon - Katsuhiko Hayashi, il est difficile de mettre des mots sur ce qui fait l'aspect unique de Zelda. "Il y a les puzzles à résoudre, les éléments d'action, un univers propre à la série", énumère-t-il notamment. "A l'époque, alors que les jeux n'en étaient qu'à leurs balbutiements, Zelda offrait cette excitation, cet émerveillement de vivre une aventure".
Explorer, découvrir, cartographier
"Ce titre encourageait le joueur à explorer, découvrir et cartographier son univers en relevant ses défis", explique de son côté Mark Brown, qui analyse sur sa chaîne YouTube la conception des jeux.
"Nintendo, à la base, est un fabricant de jouets. Ils ont un côté ludique qui a toujours été là. Par rapport à ses rivaux Sony et Microsoft, ce sont les seuls, à ma connaissance, à commencer leurs jeux sur papier, sur des feuilles quadrillées. C'est comme ça que les mécaniques ont été développées", partage pour sa part le spécialiste jeu vidéo de la RTS Stéphane Laurenceau.
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Sens de l'observation, logique, effets dérivés de la physique élémentaire, jeux de lumière ou de miroirs... Les stratagèmes pour avancer dans l'aventure sont multiples. "On ne se moque pas de vous. On est beaucoup moins bête quand on termine une partie de Zelda", défend-il.
Un thème musical incontournable
A l’instar de la musique de film, celle de jeu vidéo s’est peu à peu frayé un chemin dans la sphère culturelle. Dans la foulée d’Ennio Morricone et de Hans Zimmer pour le cinéma, puis de Joe Hisaishi pour l’animation japonaise, la notoriété de certains compositeurs commence à dépasser le cadre du seul jeu électronique. C’est notamment le cas pour Nobuo Uematsu, père des musiques de la célèbre série "Final Fantasy", souvent considéré comme le "pape" de la musique de jeu.
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Des orchestres aux commandes
Certains airs sont devenus tellement connus que même des personnes ne jouant pas aux jeux vidéo les reconnaissent: on peut penser au thème principal de Super Mario Bros, à celui de Tetris ou encore à celui de PacMan.
Composé par le Japonais Koji Kondo, également auteur des musiques de Mario, l’incontournable thème principal de la saga Zelda côtoie de près cette catégorie-là. Au fil des aventures, il a été décliné en plusieurs versions, sans cesse plus élaborées au gré des progrès des consoles de jeu sur le plan sonore.
Sa mouture initiale, dans les années 80, est fortement tributaire des limites techniques de la première console de Nintendo. Quelques décennies plus tard, on utilise des orchestres symphoniques pour jouer les mêmes mélodies, qui prennent une ampleur supplémentaire.
Qui dit nouvel épisode dit aussi nouvelle musique: en plus du thème principal qui revient à un moment où à un autre dans chaque opus, "Tears of the Kingdom" a eu droit à sa propre composition.