Poète, romancier et essayiste, James Baldwin (1924-1987) a séjourné quelques mois dans la maison d'un ami à Loèche-les-Bains dans les années 1950, pour y rédiger son premier roman. Il a alors constaté qu'avant lui, "aucun Noir n'avait jamais mis les pieds dans ce petit village suisse".
Il rédige alors "Stranger in the village", un essai dans lequel il raconte avoir été accueilli avec "étonnement, curiosité, amusement ou même indignation", et être devenu une véritable "curiosité vivante" tant pour sa peau que pour ses cheveux ou l'éclat de ses dents. Tandis que des enfants le traitaient de "nègre", des adultes touchaient ses mains en s'étonnant qu'elles ne déteignent pas, écrit-il.
Affronter le tabou et "désapprendre" le racisme
Mais au-delà du récit, il livre dans cet essai une vraie réflexion sur les discriminations et le racisme ordinaire. Une réflexion remise aujourd'hui sur le devant de la scène par les mouvements de défense des droits civiques et certains événements récents.
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"À mon avis, dans le monde de l'art, on n'a jusqu'à ce jour pas assez thématisé ce texte, discuté de ce texte", estime la curatrice de l'exposition Céline Eidenbenz, interrogée samedi dans l'émission Forum. Pourtant, "le racisme existe encore, c'est encore un sujet et c'est même un tabou."
Pour elle, il s'agit donc "d'aborder la question de façon frontale" et de "désapprendre à penser de façon raciste".
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Quarantaine d'artistes
"Les mots de Baldwin sont aujourd'hui encore une source d'inspiration pour de nombreux artistes. Ils nous tendent un miroir sur notre société et n'ont rien perdu de leur caractère explosif", souligne le Kunsthaus dans la présentation de cette nouvelle exposition.
Intitulée "Stranger in the Village - Le racisme au miroir de James Baldwin", cette dernière propose d'explorer des oeuvres actuelles de plusieurs artistes, suisses et internationaux, sur le thème de l'appartenance et de l'exclusion raciale. "Des questions qui nous concernent tous", rappelle l'institution.
Les oeuvres d'une quarantaine d'artistes, dont beaucoup vivent en Suisse mais sont nés en Afrique ou aux Etats-Unis, sont exposées. Certaines proviennent de la collection du Kunsthaus, d'autres ont été commandées spécialement pour l'occasion.
L'exposition s'ouvre dimanche et pourra être visitée jusqu'au 7 janvier prochain.
Propos recueillis par Anne Fournier
Texte web: jop avec ats