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Chappatte: "Pour le même dessin, je peux me faire traiter d'antisémite ou de sioniste"

Les dessinateurs de presse font face des sensibilités toujours plus exacerbées. Entretien avec Patrick Chappatte
Les dessinateurs de presse font face des sensibilités toujours plus exacerbées. Entretien avec Patrick Chappatte / 19h30 / 3 min. / le 23 novembre 2023
Le dessinateur Chappatte sort un nouvel album en cette fin d'année, dans un contexte délicat marqué par le guerre au Proche-Orient. Il relève le rôle du dessin de presse en période de crise, celui de jugement critique, et dénonce l'autocensure de certains médias.

L'humour sous toutes ces formes, et en particulier le dessin de presse, est plus que jamais sous pression, en période de crises internationales d'envergure.

L'association Dessins pour la paix fait état depuis la pandémie de Covid-19 d'une détérioration de la situation des dessinateurs de presse. La censure devient majoritaire dans le monde et plus seulement dans les régimes historiquement répressifs.

En janvier 2021, un dessin de Xavier Gorce sur l'inceste avait choqué de nombreux internautes. Le Monde avait qualifié "d'erreur" la publication de ce dessin. Gorce avait alors démissionné et déclaré que "la liberté ne se négociait pas".

Patrick Chappatte n'échappe pas non plus aux polémiques. En avril, un de ses dessins réalisés pour Der Spiegel, illustrant le pas démographique pris par l'Inde sur la Chine, avait été vivement critiqué par le gouvernement indien. 

Une situation tendue

Interviewé jeudi dans le 19h30 de la RTS, Chappatte assure n'avoir jamais vécu de situation aussi tendue: "C'est un métier pénible, surtout en ce moment." Et d'ajouter que pour le même dessin, il peut se faire traiter d'antisémite ou de sioniste.

Le dessinateur a aussi été confronté à la censure par l'un des titres germanophones avec lesquels il travaille. Son dessin a été remplacé au dernier moment... par la photo du concours de la plus grosse citrouille, confie-t-il. "Les journaux se mettent une grosse pression", déplore-t-il, mettant en garde contre l'autocensure de certains médias.

Mais le rôle du dessin de presse est d'autant plus important dans cette situation de crise, selon lui: "On a été tétanisés par la violence de part et d'autre, mais cela ne doit pas suspendre le jugement critique. Il faut avoir de l'empathie, regarder le monde avec les deux yeux et c'est ça le rôle du dessin de presse."

>> Voir le sujet du 19h30 :

L’association "Dessins pour la paix" dénonce une situation toujours plus difficile pour les dessinateurs de presse
L’association "Dessins pour la paix" dénonce une situation toujours plus difficile pour les dessinateurs de presse / 19h30 / 1 min. / le 23 novembre 2023

Un avenir fait d'intelligence artificielle?

Quel avenir alors pour le dessin de presse? En 2019, le New York Times cessait de publier des dessins politiques, une décision que le dessinateur préfère tourner en dérision.

"Peut-être que le New York Times était visionnaire, ironise-t-il. Ils ont pris l'option la plus simple, ils se sont dit: 'Sans dessin de presse on n'aura moins d'ennuis.' Si c'est le monde qu'on veut, alors peut-être qu'on aura des informations faites par l'intelligence artificielle, présentées par un présentateur artificiel et on aura un humour sain et de bon goût qui sera concocté par ChappatteGPT."

Sujet et interview TV: Marion Tinguely, Stephen Mossaz et Philippe Revaz

Adaptation web: Carlotta Maccarini

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