Comme le sapin, les cadeaux et la bûche, regarder "Love Actually", "La vie est belle" (film de Franck Capra, 1947) ou "The Holiday" sous une couverture, avec un pyjama à carreaux et une tasse de chocolat chaud, font partie des traditions de fin d'année pour de nombreux ménages. Et au-delà de ces grosses productions, les téléfilms à l'intrigue prévisible et pleine de clichés rencontrent un succès indéniable.
Musique de saison, guirlandes, décors féeriques sous la neige: les romances de Noël sont souvent basées sur le même scénario. Une business woman célibataire et citadine revient dans le petit village de son enfance pour rendre visite à ses parents pour les fêtes de fin d'année. Elle y retrouve son ami d'enfance - être charitable et sensible - et ils finissent par tomber amoureux.
Le succès de ces téléfilms, souvent sirupeux, formatés et ultra populaires, ne repose donc pas sur le développement cinématographique mais sur leur côté réconfortant. "C'est un peu une madeleine de Proust", estime Julie Escurignan, enseignante-chercheuse en communication à l'Ecole de management Léonard de Vinci à Paris, dans La Matinale de la RTS.
Réconfort face au stress
La période des fêtes de fin d'année pouvant être source de stress pour un grand nombre de personnes, ces téléfilms font du bien et font rêver, souligne-t-elle. Ils ramènent également à des valeurs traditionnelles et à une certaine simplicité. "On valorise l'ambiance des petites villes, le travail manuel, cette convivialité qu'on retrouve en dehors des grands centres urbains", explique Julie Escurignan.
"Et pour une société qui est souvent capitaliste, individualiste, où le gros de l'économie est fait dans les grandes villes, on rappelle que les petites villes ont leur importance et que parfois, il ne faut pas aller chercher très loin pour trouver le bonheur", ajoute-t-elle.
Et pour accompagner ces images réconfortantes, ces téléfilms utilisent des musiques de Noël, elles aussi extrêmement populaires. Il existe certains codes auxquels les chansons de Noël doivent répondre, tels que les thèmes abordés ou certains instruments comme le grelot. "C'est vraiment un instrument phare qui est tout de suite évocateur", explique Steven Jezo-Vannier, auteur de "Jingle Bells: l'improbable histoire des chansons de Noël", dans le 12h30. "Ce qui compte, c'est que la musique, autant que les paroles, soient génératrices d'images de nostalgie, qui renvoient à l'enfance".
Ces chansons à succès sont généralement chantées en anglais. La tradition s'est effectivement tout d'abord développée aux Etats-Unis et l'approche francophone est très différente, selon Steven Jezo-Vannier. "Il y a une tradition francophone de la chanson de Noël qui est plutôt liée à la chanson réaliste, où on parle souvent d'orphelins et autres", dit-il. Ces chansons sont donc "un peu plombantes", estime-t-il. "Et entre la dinde et le foie gras, ça passe moins bien que le peps des chansons pop américaines".
Marché lucratif
Rencontrant un énorme succès aujourd'hui, la musique de Noël trouve pourtant ses racines au Moyen Âge "et même encore antérieurement", explique Steven Jezo-Vannier. L'une des raisons de sa longévité est sa capacité à s'adapter et à se renouveler. Aujourd'hui, la chanson de Noël se décline dans plein de styles différents, allant du métal au rap, en passant par la pop, mais toujours en utilisant ces mêmes codes.
Ce marché est extrêmement lucratif. Certaines radios américaines décident même de ne programmer que des chansons de Noël en fin d'année et voient leurs audiences doubler. "Une chanson de Noël aux Etats-Unis, ça rapporte gros", indique l'auteur, "parce qu'il suffit de reprendre des standards déjà existants. La plupart du temps les droits sont libres. Donc ça ne coûte pas grand-chose".
De plus, la familiarité des chansons assure leur succès auprès du public. "Les chansons sont déjà ancrées dans les têtes de chacun, donc il suffit de leur donner un coup de peps et ça peut rapporter gros", explique-t-il. "La preuve la plus éclatante est celle de Mariah Carey, avec son single qui rapporte des millions de dollars par an".
S'inscrire dans une tradition
Beaucoup d'artistes sortent donc une chanson ou un album de Noël. Mais au-delà de l'intérêt financier, cela leur permet "de se mettre dans une filiation, de tracer une descendance musicale et de s'imposer". Qu'il s'agisse de Bing Crosby, Frank Sinatra ou Ella Fitzgerald, "tous les grands noms ont brillé avec des chansons de Noël", affirme Steven Jezo-Vannier.
Les chanteurs souhaitent donc s'inscrire dans cette tradition et rejoindre les grands noms ou "en tout cas se positionner par rapport à ça", estime Steven Jezo-Vannier. "Parce que soit les artistes vont chanter ça de manière sérieuse, soit faire de l'anti-chanson de Noël justement pour se poser en opposition".
Certaines chansons s'écartent en effet du champ lexical typique de la chanson de Noël et évoquent d'autres thèmes, a priori moins festifs. L'un des exemples les plus parlants de ce type de chanson est "Fairytale of New York" des Pogues, avec Kirsty MacCol. Cet hymne de Noël des pubs irlandais et britanniques commence dans une cellule de dégrisement et se poursuit avec une dispute parsemée de jurons entre les deux chanteurs. La chanson a d'ailleurs été interprétée lors de l'enterrement de Shane MacGowan, le chanteur des Pogues décédé en début du mois.
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Propos recueillis par Coralie Claude
Adaptation web: Emilie Délétroz