Sylvain Tesson: "Envoyer les huissiers quand on n'est pas d'accord avec une autre pensée, c'est dommage"
Le monde des lettres françaises s'écharpe autour du nom Tesson. Dans une tribune parue dans Libération, plus de 1200 personnalités du monde de la culture se sont insurgées contre la nomination de Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des poètes.
L'auteur de "La Panthère des neiges" est qualifié d'"icône réactionnaire" et de "figure de proue de l'extrême droite littéraire'". On l'accuse de faire passer son idéologie au travers de ses textes.
En cause, notamment, la préface d'un recueil de textes de l'écrivain décédé en 2020 Jean Raspail, monarchiste, catholique traditionaliste et lié à la droite réactionnaire.
Devant la polémique, la directrice artistique du Printemps des poètes, Sophie Nauleau, a annoncé vendredi sa démission, tout "en assumant pleinement son choix".
"Je réagis avec un peu de consternation"
Sylvain Tesson reste, lui, à l'affiche de la manifestation célébrant la poésie, qui se tiendra du 9 au 25 mars dans tout l'Hexagone. Et il prend position sur le plateau de la RTS sur les attaques contre sa personne.
"Je réagis avec un peu de consternation. Je trouve qu'il y a d'autres mots dans le magasin de la langue pour décrire un penchant – que je peux avoir – un peu conservateur, traditionnel et peut-être réfractaire", déclare le romancier de 51 ans.
L'écrivain estime que le terme d'"extrême droite" "clôt tout débat". Il "contient dans son expression ce qu'il prétend dénoncer", lance-t-il.
"Je côtoie assez peu de navets"
Sylvain Tesson assume en revanche les amitiés et les préfaces qui lui sont reprochées. A l'entendre, ses sympathies sont éclectiques et c'est dans les contrastes qu'il trouve son bonheur: "J'ai une grande bibliothèque avec 5000 livres. Il y a Céline à côté de Jean Genet, Péguy et Paul Claudel à côté d'Aragon. J'aime la poésie, la vie, la réalité des choses, les êtres, l'amitié, l'amour, ce qui s'oppose, ce qui s'empoigne, ce qui se contredit: ça s'appelle la réalité, la vie. Si cela fait de moi une affreuse idole réactionnaire, et bien que voulez-vous? Je côtoie assez peu de navets", argumente Sylvain Tesson.
A la suite de la tribune qui le met en cause, le romancier a reçu le soutien de la ministre de la Culture Rachida Dati et des ex-ministres Luc Ferry, Jack Lang et Bernard Kouchner, notamment.
La poésie recule là où la magistrature s'avance
"La poésie, la littérature, les arts sont le champ de bataille où l'on peut opposer les contraires. Et parfois l'énergie vient de ce côtoiement des opposés", ajoute encore l'homme de lettres. "Si l'on veut faire table rase et envoyer les huissiers quand on n'est pas d'accord avec une autre pensée, c'est dommage. La poésie recule là où la magistrature s'avance", assène-t-il.
Ne pas trop se prendre au sérieux
Sylvain Tesson revient sur son dernier livre "Avec les fées" (Equateurs), dans lequel il cite Walter Scott: "Nous n'avons pas le droit de prendre trop au sérieux le jeu que nous jouons", récite-t-il. "Voilà une phrase qui pourrait être gravée sur le linteau du temple de la poésie et des poètes, et qui permettrait qu'on s'amuse un peu et qu'on mette un peu d'air dans toute cette purge."
Quant au maintien ou non de son statut de parrain du Printemps des poètes, Sylvain Tesson ne veut pas entrer en matière. Il estime que personne n'a de "légitimité" à lui poser la question de son éventuel départ: "Je ne suis pas devant un tribunal correctionnel qui me demande de manière comminatoire si je dois rester ou partir."
Propos recueillis par Philippe Revaz
Texte web: Antoine Michel
A la recherche du merveilleux
Outre les questions entourant la polémique, la RTS a invité Sylvain Tesson à évoquer son dernier ouvrage, "Avec les fées".
L'écrivain à la célèbre bougeotte s'en est allé sur les côtes celtiques de l'Atlantique à la recherche des êtres féériques. Les a-t-il trouvés?
Oui et non… "Je ne crois pas à la fée comme un petit être surnaturel qui volette au-dessus d'une fontaine avec une baguette magique. Mais je crois profondément que, si l'on a une disposition du cœur et que l'on s'est exercé le regard, on peut faire surgir le merveilleux, c’est-à-dire un peu plus que la réalité", explique-t-il.
Et de préciser: "Pour moi, le merveilleux, c'est quand un paysage ou une géographie a été fécondée par l'histoire des hommes, le mythe, la littérature, la poésie, les légendes. A ce moment-là, vous regardez un promontoire, une pointe, un coucher de soleil sur une plage battue par le ressac et vous voyez autre chose que ce que vos yeux regardent."